L’enfant de Noé d’Éric-Emmanuel Schmitt
Éditions France Loisirs ~ Publié en 2005 ~ 112 pages
Quatrième volet du Cycle de l’invisible d’Éric-Emmanuel Schmitt paru initialement en 2004.
Bruxelles, 1942. Joseph Bernstein, juif de sept ans, est confié à la comtesse de Sully par ses parents afin de le protéger des nazies. Est-ce la dernière fois qu’il voit ses parents ? La comtesse va à son tour le cacher à la Villa Jaune, orphelinat catholique tenu par le père Pons. Il sera désormais Joseph Bertin et aura six ans. Il vivra les enseignements du père Pons, le quotidien du pensionnat, les visites de la Gestapo et la libération de la Belgique. Malgré son jeune âge, il devient le confident du père Pons qui lui apprendra l’hébreu. Il lui parlera de ses doutes par rapport aux différences entre les juifs et les catholiques. Joseph aura donc l’impression que d’être juif signifie avoir des parents incapables de l’élever, posséder un nom qu’il vaut mieux remplacer, contrôler en permanence ses émotions et mentir. Il aura donc très envie de devenir un petit orphelin catholique.
C’est un petit roman simple et touchant. Il est original même si le thème de la deuxième guerre a donné lieu à de nombreux ouvrages. L’Holocauste nous est raconté innocemment à travers les yeux d’un petit garçon. Les rencontres entre le père Pons et Joseph permettront de questionner et de développer quelques idées sur les deux religions et sur Dieu lui-même. C’est intéressant d’avoir le point de vue de Joseph plutôt que celui d’un adulte. Par contre, j’ai trouvé qu’il y avait trop de clichés et d’invraisemblances, tant aux niveaux de l’action, des personnages et des dialogues. Entre autre, Joseph a des réflexions et des dialogues qui sont bien peu crédibles pour un enfant de sept ans. L’histoire est cousue de bons sentiments, comme souvent chez Éric-Emmanuel Schmitt.
La note : 3,5 étoiles
Lecture terminée le 1 décembre 2011
Ving-troisième lecture de mon défi 26 livres – 26 auteurs édition 2011
La littérature dans ce roman :
- « Alors que les policiers grimpaient l’escalier, elle entama la lecture d’une histoire, elle et moi adossés aux oreillers, comme si de rien n’était. » Page 24
- « D’un missel en cuir chamois dont la peau ne caressait avec une douceur irréelle, entre les pages dont la tranche dorée évoquait les ors de l’autel, parmi les signets de soie rappelant la chasuble verte du prêtre, il sortit des cartes merveilleuses. » Page 46
- « Derrière nous, des étagères supportaient un amoncellement d’objets.
– Qu’est-ce que c’est ?
– Ma collection.
Il désigna des livres de prières, des poèmes mystiques, des commentaires de rabbins, des chandeliers à sept ou à neuf branches. » Page 58 - « Sans me répondre, il m’emmena vers les volumes entassés.
– Chaque soir, je me retire pour méditer les livres juifs. » Page 60 - « – Nous allons conclure un marché, veux-tu ? Toi, Joseph, tu feras semblant d’être chrétien, et moi je ferai semblant d’être juif. Tu iras à la messe, au catéchisme, tu apprendras l’histoire de Jésus dans le Nouveau Testament, tandis que moi, je te raconterai la Torah, la Michna, le Talmud, et nous dessinerons ensemble les lettres de l’hébreu. Veux-tu ? » Page 61
- « – Dans la Bible – que doivent lire autant les juifs que les chrétiens – il est dit que Dieu, lorsqu’il créa le monde, œuvra six jours et se reposa le septième. Nous devons l’imiter. Le septième jour, selon les juifs, c’est le samedi. Plus tard, les chrétiens, afin de se distinguer des juifs qui ne voulaient pas reconnaître Jésus comme le Messie, assurèrent que c’était le dimanche. » Page 62
- « Le père Pons avait beau m’enseigner la Torah, rien ne m’émouvait autant que le rite catholique avec ses ors, ses fastes, ses musiques et ce Dieu immense et aérien qui se tenait, bienveillant, au plafond » Page 66
- « Entre le catéchisme catholique et l’initiation clandestine à la Torah, l’histoire sainte captivait davantage mon imagination que les contes enfantins empruntés à la bibliothèque : elle s’avérait plus charnelle, plus intime, plus concrète. » Page 79
- « Ce que je n’osais pas confier au père Pons, c’est que je l’avais incorporé à cette histoire. Je n’arrivais pas à concevoir Ponce Pilate, le préfet romain qui se lavait les mains, sous d’autre traits que les siens : il me paraissait normal que le père Pons fût là, dans les Évangiles, tout près de Jésus, entre les juifs et les futurs chrétiens, intermédiaire déconcerté, homme honnête qui ne sait pas choisir. » Pages 79 et 80
- « Je sentais le père Pons troublé par les études auxquelles il s’astreignait pour moi. Comme nombre de catholiques, il connaissait auparavant fort mal l’Ancien Testament et il s’émerveillait de le découvrir, ainsi que certains commentaires rabbiniques. » Page 80
- « Ainsi allait mon existence, rythmée par les études, les réflexions sublimes sur la Bible, la crainte des nazis, les cavalcades des résistants toujours plus nombreux et plus audacieux, les jeux avec mes camarades et mes promenades avec Rudy. » Page 81
- « Non loin de l’endroit où je m’était effondré, il se dégagea une place entre des tas de livres qu’il monta autour de lui tel un mur de briques. » Page 89
- « Je mangeais à ma faim, j’étais habillé et chaussé sur mesure, j’amassais des jouets et des livres dans la superbe chambre qui m’était réservée mais les heures passées avec le père Pons à réfléchir aux grands mystères me manquaient. » Page 103
- « – Tu ne veux pas faire ta bar-mitsva ?
– Non.
– Tu ne veux pas apprendre à lire la Torah, à écrire et parler hébreu ?
– Non. » Page 104 - « Malgré la pénombre, je constatai que les chandeliers avaient disparu, la Torah aussi, la photo de Jérusalem… Je m’approchai des livres entassés sur les étagères.
– Quoi !…ce n’est plus de l’hébreu… » Page 106 - « Il caressa plusieurs livres dont les caractères étranges m’échappaient.
– Staline va finir par tuer l’âme russe : je collectionne les œuvres des poètes dissidents. » Page 107 - « – Tu te souviens de la Bible mécréant ? Tu m’étonnes… » Page 112