Malphas tome 2 : Torture, luxure et lecture de Patrick Senécal.
Éditions du club Québec loisirs, 2012, 498 pages
Deuxième tome de la série « Malpha » écrit par Patrick Senécal et paru initialement en 2012.

Malgré les deux cadavres trouvés dans les casiers, le CÉGEP est toujours ouvert. Aucun changement n’a été fait à l’horaire des cours. Les membres du personnel et les étudiants se remettent tranquillement des terribles événements en essayant de reprendre la routine. Julien est plus motivé que jamais à trouver ce qui se cache dans cette école. Il continu avec son acolyte Gracq à enquêter sur les phénomènes étranges qui se sont déroulés depuis l’ouverture de l’école. Michel Condé, un nouvel enseignant fait son arrivé au département de littérature. Dès son arrivée, celui-ci propose de mettre sur pied et de diriger un club de lecture qui serait ouvert à tous les habitants de Saint-Trailouin. Pour se changer les idées, Julien décide d’y participer. Les réunions du club se tiennent dans une classe récemment rénovée. Étant donné les antécédents de Malphas, plusieurs événements étranges se produisent pendant et après les réunions du club. Même les participants sont affectés et ont des comportements de plus en plus étranges.
Une suite qui fait honneur au premier tome. Patrick Senécal poursuit l’histoire sanglante et humoristique qu’il a commencé dans « Le cas des casiers carnassiers ». Cependant, la mise en place de l’histoire du Club lecture est un peu longue et le lecteur perd de vue l’enquête de Julien. Passé la moitié du roman, l’histoire s’accélère et plonge le lecteur dans l’absurdité et l’horreur des comportements déviants des membres du club. Il est incontestable, à la lecture de cette série, que Senécal a une imagination débordante et tordue. Il conserve son style et sa plume axés sur l’horreur et il entretien bien le côté inquiétant de l’atmosphère du cégep. De plus, il y a une légère amélioration au niveau des personnages qui semblent être moins caricaturaux que dans le premier tome. Ils sont plus réalistes même si l’histoire a une grande part de fantastique. Un petit bémol par contre, l’énumération des connaissances de l’auteur sur la littérature pèse lourd sur l’histoire. Le lecteur s’amuse bien au début des références à la littérature, mais comme on dit trop c’est comme pas assez. Une bonne lecture malgré les défauts, elle est même meilleur que celle du premier tome.
La note : 3,5 étoiles
Lecture terminée le 13 décembre 2018
La littérature dans ce roman :
Note : Aucune citation ne sera relevée ici pour les auteurs et / ou les titres suivants, car elles sont trop nombreuses :
Baudelaire; Lolita de Nabokov; Les Particules élémentaires de Houellebecq; L’Assommoir de Zola; L’Écume des jours de Boris Vian; Ru de Kim Thuy; Le Secret; Mange, prie, aime; Le Rouge et le Noir de Stendhal; La Petite Fille qui aimait trop les allumettes, de Soucy; Les 150 meilleures blagues du Reader’s Digest; Les Racines du ciel de Gary; Le Horla de Maupassant; Le nom de la rose de Eco; Germinal de Zola; Nelligan; Phèdre de Racine; La Philosophie dans le boudoir, de Sade;Balzac; Rousseau; Diderot; Swift; Voltaire
- « – Criss, est-ce que quelqu’un sait ce qui arrive avec les craies, dans ce cours?
J’aurais demandé à mes étudiants de me résumer le Ulysse de Joyce que je n’aurais pas obtenu une plus parfaite absence de réaction. » Page 11
- « – OK, sortez votre exemplaire des Fleurs du mal et allez au poème « Une charogne ».
Je commence invariablement par ce texte délicieusement atroce pour démontrer aux élèves que la poésie n’est pas qu’affaire de ciel bleu et d’idylles naïves et je crée ainsi un effet souvent spectaculaire. Je lis donc les strophes lentement, d’une voix un brin théâtrale, et, après avoir clamé le dernier vers qui me fait toujours autan frissonner de plaisir (Que j’ai gardé la forme et l’essence divine / De mes amours décomposés, je lève la tête en souriant.
Ma classe réagit avec autant d’enthousiasme que si j’avais récité le mode d’emploi d’un malaxeur à multivitesses.
— Alors ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
Une main se dresse et je ne m’étonne pas de reconnaître à la base du bras le corps de Limon.
— Nadine ?
— C’est génial pis provocateur. Il décrit à sa bien-aimée une carcasse d’animal en décomposition mais avec des mots sublimes. La fusion du beau pis du laid, ça crée une ironie super intéressante. » Pages 12 et 13
- « — Mais pourquoi le personnage du poème dépeint-il cette charogne à sa compagne ? Myra, enlève le livre de ta bouche, ça se mange pas… Alors, le narrateur veut-il seulement la choquer ou y a-t-il une intention différente ? » Page 13
- « — Alors, Dan, t’as une idée de l’intention de Baudelaire ?
— Qui ?
Quelques ricanements. Je le considère un moment, me demandant s’il est sérieux ou si c’est de la simple provocation.
— Baudelaire. Le mec qui a écrit le poème que tu as sous le nez. » Pages 13 et 14
- « — Ben non. C’est poche, de la poésie. Pis Zola aussi, pis tous les osties de livres. » Page 14
- « — T’as déjà commencé ?
— Oui, j’ai eu mon premier groupe ce matin. Un cours de 103 sur la littérature québécoise. Malheureusement, les romans choisis par votre confrère ne sont pas très intéressants… Mais je ne peux pas lui en tenir rigueur, il y a si peu de vrais bons bouquins…
Merde, ça sent la prétention, odeur dont j’essaie normalement de m’éloigner le plus possible.
— Parlant de livres, ajoute-t-il, j’imagine que vous avez un club de lecture…
On se regarde tous comme s’il voulait savoir lequel d’entre nous pratique la zoophilie. Mortafer intervient enfin :
— Il n’y a jamais eu de club de quoi que ce soit dans cette ville. Sauf il y a dix ans, moment où un regroupement a voulu mettre sur pied le Club Pessimiste, par opposition au Club Optimiste. Personne ne s’est présenté à la première réunion. Même les fondateurs ont affirmé qu’ils n’y avaient jamais vraiment cru.
— Eh bien, je vais créer un club de lecture. Qu’en dites-vous ?
À Saint-Trailouin ? M’est avis qu’il aurait plus de chance de succès s’il invitait Laure Waridel dans un McDonald. Mais ma passion pour les livres étant plus forte que mon cynisme, j’annonce tout de go :
— J’en ferais bien partie, moi. » Page 22
- « Je fais quelques pas et constate que le dernier bouquin de son paternel se trouve sur le coin du bureau. Je demande :
— Vous l’avez lu ?
— Non.
— Vous ne lisez pas les livres de votre père ?
— Plus maintenant. Asseyez-vous, Julien. » Page 27
- « — J’étais justement en train d’expliquer à monsieur Bouthot mon projet de club de lecture. Je lui demandais s’il serait possible de se réunir dans la bibliothèque de Malphas. » Page 32
- « — J’étais justement en train d’expliquer à monsieur Bouthot mon projet de club de lecture. Je lui demandais s’il serait possible de se réunir dans la bibliothèque de Malphas. » Page 32
- « Il attrape alors une craie puis inscrit sur le tableau noir : “Club de lecture de Saint-Trailouin” en grandes lettres raffinées. » Page 33
- « — Un club de lecture, quelle bonne idée ! se réjouit Bouthot. Si j’étais pas si occupé, je me joindrais à vous !
— Je vous comprends, que je dis d’un ton neutre. Le scrapbooking demande tellement d’heures si on veut que ce soit bien fait. » Page 34
- « Dans les couloirs déserts du rez-de-chaussée, un battement d’ailes se fait entendre, puis un corbeau, tournant un coin, traverse d’un vol égal et élégant le corridor qui mène jusqu’au local 1814. L’oiseau pénètre dans la classe et se pose sur le bureau. Il pivote vers le tableau noir sur lequel on peut toujours lire « Club de lecture de Saint-Trailouin ». » Page 40
- « Nous sommes tous assis derrière les tables, que nous avons placées en rond comme à chaque réunion du département, et nous tournons nos regards vers le bleu, installé entre la Belle et le Bête, c’est-à-dire Rachel et Elmer Davidas. » Page 43
- « — Oui, le dramaturge norvégien Slidouz Kvorg a écrit une pièce de théâtre qui met en scène ce Malphas. Il s’agissait bien sûr d’une métaphore de notre société aliénée et aliénante. Je l’ai vue en version originale il y a trois ans à Oslo. Vladasr Crùxh jouait le rôle de Malphas et Rouyna Dvarjd celui du perchoir. Une très bonne pièce, quoique les influences de Bergman y étaient un peu trop évidentes. » Page 46
- « Et il présente son club de lecture, qui commencera dès lundi soir, à dix-neuf heures trente, ici même au cégep, dans la classe 1814, et prend soin de préciser que Mortafer, Zazz et votre humble serviteur avons déjà annoncé notre intention de participer. » Page 51
- « Junior remonte ses lunettes sur son nez. Fudd poursuit :
— Ouais, me semble que j’lui ai vendu une couple de livres de sorcellerie… » Pages 64 et 65
- « Chapitre quatre
C’est bien le club de lecture, ici ? » Page 73
- « Il n’y aura sans doute pas beaucoup de participants à ce club de lecture, mais au moins ça me permettra de découvrir quelques habitants intéressants de Saint-Trailouin. Quoique, dans une telle ville, je nourris peu d’espoir en ce qui concerne les livres choisis : vais-je devoir me taper le nouveau Marc Lévy ? Ou, pire encore, l’autobiographie de Julie Couillard ? » Page 73
- « Il y a Condé et trois femmes que je ne connais pas personnellement mais dont deux, je crois, enseignent au cégep ; il y a aussi une trentenaire que j’ai l’impression d’avoir déjà vue, Poichaux, Mortafer, Zazz et… Enfer et damnation : Davidas ! Mais qu’est-ce qu’il fout ici, cet imbécile patenté ? N’était-il pas évanoui au moment où Condé présentait son club de lecture ? » Page 74
- « Qu’est-ce que Davidas va bien nous suggérer comme livre ? Le premier tome de la série Twilight ? » Page 74
- « Peu importe, nous nous comprenons et je me dis que ce club de lecture augure plutôt bien. » Page 75
- « Une élève qui s’inscrit à un club de lecture, c’est encourageant, non ? » Page 75
- « — On va commencer, je pense. Je vous souhaite la bienvenue. Je m’appelle Michel Condé, le fondateur de ce club de lecture… » Page 75
- « — Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais filmer nos rencontres. Elles pourraient me servir pour certains cours de littérature, afin que je montre à mes étudiants des exemples de débats. » Page 76
- « Il y a d’abord les deux enseignantes que je ne connais à peu près pas : Céline Fallu, prof de maths dans la quarantaine avec une coupe de cheveux en forme de boule (criss que je trouve ce look atroce ! c’est comme si les femmes qui l’arboraient hurlaient à pleine voix : « Regardez ! Je vieillis ! »), habillée jusqu’au cou comme si elle craignait que l’air ambiant réduise sa peau en cendres, qui semble tellement hautaine qu’elle doit en avoir le vertige, et Mireille Kristin, enseignante d’histoire dans la cinquantaine, tignasse en chignon et lunettes avec cordelette, mais qui paraît plutôt relax et qui nous confie en roulant ses R qu’elle aime parrrticulièrrrement les rrromans noirrrs. » Pages 76 et 77
- « Et, bien sûr, il y a mon amante d’une nuit qui, je l’apprends enfin, s’appelle Lucette Picard ; elle est mariée, a deux enfants et travaille comme serveuse de jour dans un café, ce qui, selon elle, explique son besoin d’évasion, par exemple en étant membre de ce club de lecture ou encore, ajoute-t-elle en me fixant dans les yeux, en pratiquant d’autres activités occasionnelles. » Page 77
- « Je vous épargne les présentations de mes collègues, mais mention spéciale tout de même à Davidas qui, en deux phrases, réussit à démontrer l’étendue de sa bêtise : « Je m’appelle Elmer Davidas et je transmets ma culture d’homme de lettres aux étudiants de Malphas. Je me joins à ce club parce qu’à mon avis la lecture est un besoin aussi essentiel que de se laver ou de conduire une voiture. » » Pages 77 et 78
- « — La réunion d’aujourd’hui sera plutôt courte. Vous avez tous songé à un livre que…
— C’est bien le club de lecture, ici ?
Nous nous retournons tous vers la porte. Sur le seuil se tient un dandy. Comment appeler autrement un homme fringué d’une pseudo-redingote, d’une chemise blanche à très grand col ouvert avec boutons presque sculptés, d’un pantalon en nylon noir avec fines fioritures tout le long des jambes et dont la tête est couronnée d’abondants cheveux teints en blond et coiffés à la Oscar Wilde ? » Page 78
- « — Bien ! fait Condé qui a hâte de commencer. Chacun d’entre vous a donc choisi un livre. Je vais les noter puis porter la liste à la librairie de la ville. La libraire m’a assuré qu’elle les aurait d’ici cinq ou six jours. Dans une semaine, vous pourrez aller les acheter soit tous d’un coup, soit au fur et à mesure des lectures. » Pages 79 et 80
- « — On est un club de lecture, Elmer, pas une salle d’attente de dentiste, que je dis sèchement. On lit des romans. » Page 83
- « S’ensuit une courte discussion au bout de laquelle Davidas, penaud, annonce qu’il trouvera un titre d’ici la prochaine rencontre.
— Est-ce qu’il faut spécifier que ça doit être un roman pour adultes ? que j’ajoute. » Page 83
- « — Je pensais que ce serait uniquement des livres récents, glisse Zazz, un brin contrariée. » Page 83
- « — De toute façon, avoirrr un ou deux classiques dans la liste, c’est trrrès bien ! approuve Kristin en dodelinant du chignon. Je n’ai rrrien contrrre l’idée de lirrre du Zola, Balzac, Voltairrre, ou même du Tolstoï, pourrrquoi pas ? C’est un peu long, c’est vrrrai, mais… » Page 84
- « — Bon. Pour choisir le premier bouquin, je propose un simple tirage au sort, qu’en pensez-vous ? » Page 85
- « — ‘ksé vous fètes ‘citte ?
Coups d’œil perplexes de la part des non-initiés. Je prends sur moi de répondre :
— On est un club de lecture. » Pages 85 et 86
- « — Bien. Les bouquins arriveront en librairie dans à peu près six jours. Si nous nous laissons quinze jours pour lire le livre de Rémi, notre prochain rendez-vous serait dans trois semaines. Et à chaque rencontre, celui qui a choisi le roman pourrait en lire un extrait à haute voix. Qu’en pensez-vous ? » Page 88
- « — Crime, il est encore tôt ! J’irais bien prendre un verre, moi. Ça intéresse quelqu’un ?
Et il observe particulièrement la gent féminine en lançant cette invitation. J’ai envie d’accepter, mais comme l’idée d’être seul avec cette caricature de Casanova ne m’enthousiasme guère, j’attends de voir si d’autres répondront à l’appel. » Page 88
- « Et dire que, quelques secondes après la prise de ce cliché, ces oiseaux fondaient sur la foule. Un vrai remake du film d’Hitchcock ! » Page 89
- « Elle me lance le genre de clin d’œil qu’une mère n’adresserait jamais à son fils (sauf, peut-être, Jocaste à Œdipe) puis poursuit son chemin vers la sortie. » Page 89
- « — C’était bien, ton club de lecture ?
— Ça s’annonce distrayant, je crois. » Page 92
- « Il monte l’escalier, se déshabille, se brosse les dents, puis s’installe en caleçon et camisole dans son lit pour lire un roman de Kundera. Au bout de trois minutes, Monique entre, l’observe un moment et, timidement, demande :
— Tu veux qu’on fasse l’amour ?
Il baisse son livre, quelque peu pris au dépourvu. » Page 93
- « Il étouffe un bâillement, allume sa lampe de chevet (ce qui n’éveille pas sa femme), attrape le livre de Kundera et se remet à lire. » Page 96
- « En tout cas, va falloir que j’aie une petite conversation avec les scénaristes d’Hollywood, car ces images représentent bel et bien vacances et barbecue, ou du moins leur équivalent : les Fudd dans le salon de la cabane (salon un peu plus propre et ordonné, mais pas beaucoup), les Fudd dehors dans les bois, les Fudd autour d’un feu de camp, Mélusine lisant un livre de magie au centre d’un pentacle sous le regard professoral de sa mère, Mélusine avec une bière en main, un peu soûle, sous l’œil cette fois plus sévère de maman… » Page 103
- « — Voyons, Aline, c’est pas compliqué ! que je m’exaspère. Ça t’a plu, oui ou non ?
Elle commence à se frotter le genou droit, affolée, comme si elle se retrouvait dans Sophie’s Choice. » Page 111
- « — Et toi, Elmer, as-tu finalement choisi ton roman ?
— Bien sûr. Ce sera le premier tome de la série Walking Dead.
La plupart des participants ne connaissent pas, mais moi, si, ce qui me fait réagir :
— Mais… C’est une BD, ça !
— Un roman graphique, précise Davidas.
— Roman graphique, BD, narration imagée, criss ! c’est pas un roman !
— Tu méprises les bédéistes, Julien ?
— Tu veux vraiment que je te dise qui je méprise ?
Condé nous ramène à l’ordre et explique qu’effectivement il serait préférable que ce soit un roman « traditionnel ». Il ne s’agit pas de snober les bandes dessinées, mais de se donner un cadre. Davidas, en soupirant, s’incline et promet de trouver un autre titre d’ici la prochaine rencontre. Tout le monde se lève, replace chaises et tables, et enfile son manteau.
— Moi, j’ai acheté tous les rrromans, dit le prof d’histoire, mais je remarrrque qu’il manque toujourrrs le tien, Michel. » Pages 115 et 116
- « Le joint glisse d’entre ses doigts. Sa bouche s’entrouvre et se fige, son expression devient lointaine. Ça y est, elle va entrer en transe. Je m’assure qu’il n’y a personne dans la ruelle, puis m’approche de ma collègue, plus attentif que jamais. Mais elle ne dit rien, le visage statufié en un masque ébahi.
— Zoé ?
— Les livres… Les livres…
Quoi, les livres ? De quoi parle-t-elle ?
— Il faut pas les lire…
Sa voix est légèrement dédoublée, comme la dernière fois.
— Zoé…
— Il faut pas les lire !
Fuck, de quoi elle parle ? Ça m’aide pas pantoute ! J’ai l’impression que je vais devoir la guider un peu. Je demande donc doucement :
— Zoé, parle-moi de Malphas…
— Il faut pas lire les livres !
— Zoé, parle-moi du démon Malphas… De la caverne… Des Archlax, père et fils… Tu vois quelque chose ?
— Il faut pas les lire à cet endroit !
Fait chier, avec ses livres ! Je lui attrape le bras et insiste :
— Zoé, parle-moi de Malphas ! » Page 136
- « — Oh non ! J’ai encore eu une de ces transes ridicules, c’est ça ?
— Heu… Un peu, oui.
— Pis j’ai raconté quoi ?
— Rien de… T’as parlé de livres qu’il fallait pas lire quelque part, j’ai rien compris. » Page 137
- « Les étudiants sont si peu surprenants, si prévisibles. Comme à peu près tout le reste, d’ailleurs : les discussions, la vie de couple, les livres, le quotidien… » Page 139
- « Parfois, je me trouve ridicule de mettre tant de travail dans la préparation d’un cours alors que les deux tiers des étudiants n’y verraient que du feu même si j’improvisais. D’ailleurs, j’ai déjà fait le test. Il y a deux ans, j’avais affirmé en classe qu’une métaphore était un instrument à vent et que Nelligan était un chanteur western de la région de Saint-Tite. Il y en a bien quelques-uns qui m’avaient regardé de travers, mais la grande majorité n’avait pas sourcillé. Un garçon m’avait même demandé d’un air dubitatif : « Vous êtes sûr que Nelligan, c’est pas un rappeur ? » Mais bon, il faut penser aux quelques élèves vraiment motivés. Sinon, on se flingue. » Pages 172 et 173
- « Zazz, stupéfaite, demande à notre nouveau collègue :
— Mais comment tu peux dire à tes étudiants que tu trouves plates les livres que tu leur fais lire ?
— C’est pas moi qui ai choisi ces romans, c’est votre collègue, Mahanaha. Déjà que je dois leur faire lire des bouquins que je déteste, je ne vais pas prétendre que je les aime ! Je ne suis pas masochiste, quand même ! (Il me voit approcher.) N’est-ce pas, Julien ? » Pages 173 et 174
- « — Parfait, dit Condé. Et toi, Elmer, as-tu enfin choisi un livre ?
— Oui, finalement. J’ai opté pour Le Maître du jeu.
— Ah, je ne connais pas, fait Condé, intéressé. Qui l’a écrit ?
— C’est Georges-Hébert Germain, mais, évidemment, Angélil l’a beaucoup aidé.
Froncements de sourcils de toutes parts. Qu’est-ce qu’Angélil vient foutre là-d’dans ? Tout à coup, Zazz, qui semble comprendre, s’inquiète :
— Tu parles de la biographie de René Angélil ?
— Absolument ! Tu l’as lue ? C’est vraiment bon, non ?
— Elmer ! que je soupire en m’appuyant sur mes genoux. Une biographie, c’est pas un roman !
— Mais oui ! Dans un cas, c’est une histoire inventée, dans l’autre, c’est une histoire vraie. Mais ce sont des romans.
Je le scrute en me demandant si je dois rire ou lui sauter dessus. Je fais ni l’un ni l’autre, lève une main et demande lentement :
— Elmer, rassure-moi et jure-moi que tu déblatères pas ces sornettes à tes étudiants…
Il cligne des yeux, incertain. Tout le monde lui répète pour la millième fois qu’il faut que ce soit un roman et non pas une biographie. Il grimace, confus :
— Mais pourquoi pas ? L’histoire de quelqu’un, c’est tout de même une…
— Un roman, Elmer, criss ! que j’éclate. Une histoire inventée, une œuvre de fiction, qui sort de la tête d’un romancier qui l’a imaginée de toutes pièces ! Ciboire, me semble que c’est clair, ça !
Davidas se gratte le cuir chevelu, ce qui produit une pluie de pellicules, puis marmonne, un peu boudeur :
— OK, je vais choisir un « vrai roman », comme vous dites, mais je vous trouve de bien mauvaise foi.
Tandis que nous remettons les chaises et les tables en place, Fallu s’enquiert :
— Et toi, Michel, tu as choisi le tien ?
— Oui, répond notre animateur en rangeant sa caméra, mais je l’ai commandé moi-même et les exemplaires arriveront directement chez moi. Je vous les apporterai quand mon nom sera tiré.
— Et c’est quoi, le livre ?
— C’est une surprise. Vous verrez !
Il me les gonfle, avec ses grands mystères ! Les autres membres aussi semblent trouver ce petit jeu exaspérant.
— Tu joues pas le jeu, Michel, souligne Picard. On a tous présenté notre livre, pourquoi pas toi ?
— En tant que fondateur du club, je me permets ce petit caprice, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. » Pages 186 et 187
- « — J’ai vu que t’as mis tes deux romans avec les autres livres…
Je hausse une épaule, un peu gêné.
— Pourquoi pas ? Même si les critiques les ont démolis, ce sont néanmoins des romans, ils ont leur place dans une bibliothèque.
— T’écris autre chose ?
— Pas en ce moment.
Ce qui est faux. Mais pas question de lui dire que je suis en train de compiler les choses bizarres, mystérieuses et complètement folles qui se produisent ici. Plus tard, peut-être, quand il sera plus vieux. Et que j’aurai moi-même compris ce qui se passe.
— Maintenant que t’as treize ans, je pense que t’es en âge de pouvoir lire mes romans. Si t’en as envie, évidemment.
— Ouais, peut-être…
Réponse plus polie que sincère. » Page 193
- « Mortafer lui a à peine dit bonjour, sombre et tourmenté, tout comme Ruglas qui, plongée dans la lecture d’une obscure pièce de théâtre, lui a glissé un « enchantée » indifférent du bout des lèvres. » Page 197 et 198
- « — J’ai pourtant tout fait pour qu’il vive un bon moment, m’a assuré ma collègue comme si elle craignait que je ne la tienne pour responsable de la défection de mon fils. Je lui ai demandé ce qu’il aimait lire, ce qu’il aimait comme films, je lui ai raconté mes dernières vacances à Sorel, je lui ai proposé une partie de Monopoly que j’étais prête à perdre de la plus humiliante des façons juste pour l’amuser un peu… » Pages 198 et 199
- « Le nombre d’heures que nous avons gaspillées à l’urgence aurait sans doute été suffisant pour écrire À la recherche du temps perdu au complet. » Page 199
- « — Faut ben faire quelque chose…
Je ne trouve rien à répliquer à ça, la bouche entrouverte. Je dois ressembler à l’actrice principale de Twilight. » 207
- « La « patiente », sans nous regarder, quitte la maison, tandis que le médecin, sortant du bureau à son tour, paraît étonné de tomber sur du monde dans sa salle d’attente.
— Ah ? Je savais pas que j’avais deux aut… Hé ! Julien ? Comment ça va ? J’imagine que t’es pas venu parler littérature !
Il rigole, en remontant sans aucune discrétion la braguette de son pantalon. » Page 207
- « C’est une peinture mettant en scène un beau jeune homme très gandin qui, à son tour, observe avec satisfaction une seconde peinture personnifiant un vieillard au visage malveillant. Sans aucun doute une représentation de Dorian Gray, que je ne m’étonne pas de retrouver ici. N’avais-je pas déjà relevé l’influence d’Oscar Wilde dans le look de Durencroix ? » Page 211
- « Durencroix blêmit quelque peu, a un ricanement contrit, puis, pour changer de sujet, indique le tableau du menton en s’approchant :
— J’imagine que tu reconnais la scène…
— Dorian Gray, oui…
Il s’arrête devant la peinture et a un bref soupir mélancolique :
— Ce serait bien, non ? si on pouvait faire comme Gray…
— C’est-à-dire ?
— Que nos vices pis notre vieillesse affectent uniquement un portrait de nous, pour que notre vraie personne reste jeune et pure pour toujours… » Page 212
- « — C’est sûr, c’est sûr. Écoute, faut vraiment que j’aille aux toilettes chercher le revolver de Michael Corleone derrière le réservoir… » Page 217
- « Je traverse un couloir et, par hasard, passe devant la classe 1814, là où nous avons les rencontres de notre club littéraire. » Page 229
- « La jeune Black, plongée dans un livre, est si concentrée qu’elle ne remarque pas ma présence.
— Allô, Julien.
— Tu lis ici ?
— Mais oui ! Je trouve ça stimulant de lire dans notre local de club littéraire, ça me donne un sentiment d’appartenance. » Page 229
- « Je travaille depuis une bonne heure lorsque Mortafer, pendant la pause de son cours, vient chercher un livre à son bureau, l’air ailleurs. » Page 232
- « — Donc, face à cette situation dramatique, le ministère de l’Éducation propose une série d’actions qui pourraient être mises de l’avant dès la prochaine session. Les voici.
Sur l’écran apparaissent lesdites actions : 1- prescrire des examens moins complexes ; 2- remplacer les livres du programme par des films ; 3- éviter de leur enseigner des événements antérieurs à 1990 ; 4- ignorer une erreur sur deux durant la correction. Près des trois quarts des personnes présentes dans la salle explosent d’indignation et, cette fois, Valaire grimpe littéralement sur sa chaise, ses cheveux désordonnés hérissés tels les serpents sur la tête de Méduse :
— Voyons, câlice ! demandez-nous de les faire tous passer tout de suite, ça va être plus clair, ostie ! Tant qu’à y être, voulez-vous qu’on leur donne d’avance les réponses des examens ? » Page 246
- « — Moi, je trouve ces idées pas bêtes. Il y a des adaptations cinématographiques de romans qui sont aussi bonnes que les livres originaux, les gens ont tendance à oublier ça. C’est quoi le problème de leur faire voir le dessin animé Le Bossu de Notre-Dame de Walt Disney plutôt que de les obliger à lire le bouquin de Balzac ?
— C’est Hugo qui l’a écrit ! rigole quelqu’un dans le fond.
— Hugo, Balzac, c’est le même siècle de toute façon ! Et puis, soyons honnêtes : qui, ici, se rappelle vraiment ce qui s’est passé avant 1990 ? À part l’invention de l’imprimerie, disons, et un ou deux événements du genre… Et on voudrait que nos étudiants le sachent plus que nous ? On vit dans le rêve, franchement ! » Pages 246 et 247
- « Au salon se trouve une vieille télé de vingt-six pouces avec écran bombé, mais il y a tout de même un lecteur DVD : Archlax est passéiste mais pas antique. Une grande bibliothèque compte quelques centaines de livres dont je parcours les dos. Quelques bouquins récents d’auteurs acclamés, mais surtout des classiques des siècles précédents : Rabelais, Shakespeare, Molière, Diderot, Gogol, Poe, Hoffmann, Rousseau, Hugo, Balzac, Zola, Tolstoï, Swift, Cervantès, Goethe… Beaucoup de romans d’amour, aussi : Belle du Seigneur, L’Éducation sentimentale, Manon Lescaut, Paul et Virginie… DP, un romantique refoulé ? Je souris en poursuivant mon examen et tombe sur deux rangées remplies d’œuvres de Voltaire. Je lis les titres, impressionné. Bien sûr, j’y retrouve les incontournables, comme Candide, Zadig et Micromégas, mais plus de la moitié me sont parfaitement inconnus, comme Les Deux Consolés, L’Homme aux 40 écus ou Cosi-Sancta. Bref, il y a bien là une cinquantaine de livres, ce qui doit représenter tout près de l’œuvre complète de fiction de l’écrivain. Archlax est manifestement un exégète du célèbre auteur. Le littéraire en moi est tout à coup fasciné et je ne peux m’empêcher d’enlever mes gants, de prendre quelques bouquins du philosophe et de les feuilleter… Je tombe alors sur un exemplaire de L’Ingénu, édition qui comporte en quatrième de couverture un portrait de Voltaire… et je remarque qu’on lui a ajouté, à l’aide d’un crayon-feutre noir, des lunettes, une moustache et une verrue. Sans doute qu’Archlax a déniché ce livre dans une librairie d’occasion et que le visage était déjà barbouillé. Mais j’imagine mal DP acheter un volume qu’on aurait ainsi outragé. Pour en avoir le cœur net, je me mets à la recherche d’autres titres affichant la gueule de Voltaire et en trouve six. Trois des portraits sont intacts, mais les trois autres ont aussi été défigurés.
C’est donc Archlax qui se serait adonné à ces gamineries ? Pourquoi ridiculiser un auteur que, manifestement, il admire tant ? C’est comme si Stephen Harper gribouillait un gros nez et des dents de lapin sur les photos de la Reine d’Angleterre. À moins qu’Archlax ait acheté tous ces livres d’un même individu qui avait comme passe-temps de ridiculiser les illustrations d’auteurs… On frappe à la porte d’entrée et je sursaute tellement que j’en échappe presque les bouquins. Je fixe la porte, le cœur battant à tout rompre, en remerciant le ciel que les rideaux de la fenêtre avant soient fermés. En vitesse, je replace les livres dans la bibliothèque et me sauve vers l’arrière, mais m’arrête en réalisant que j’ai oublié mes gants. » Pages 249 et 250
- « Je fouille dans les tiroirs, convaincus de trouver des magazines pornos. Mais non, que des vêtements. Ça alors, ce type n’a donc vraiment aucun vice ? Même chose dans son armoire : fringues et piles de revues littéraires ou scientifiques. » Page 252
- « Je me dirige ensuite vers le bureau, qui ressemble beaucoup à celui du cégep. Dans une petite bibliothèque s’alignent des livres scolaires et pédagogiques desquels je me désintéresse aussi rapidement que s’il s’agissait de l’autobiographie du Prince William. » Page 253
- « Finalement, terminons le portrait de ce personnage digne d’habiter l’île du docteur Moreau par les cheveux, rares, rassemblés en quelques touffes disparates qui poussent inégalement et anarchiquement sur cette tête qui a la couleur et, à mon avis, la consistance du granit. » Page 256
- « Outre la photo, il y a l’adresse de Clarsain ainsi que ses relevés de notes des deux sessions précédentes. Visiblement, l’adolescent est brillant et, à l’exception d’une ou deux matières, n’a aucune note au-dessous de 90. Ensuite, dans le dernier tiers de la page, des indications à la main ont été ajoutées :
Lieux à envisager :
a- chez ses parents, où il habite : presque tous les soirs, mais parents souvent présents
b- cégep, tous les jours : impossible, bien entendu
c- bibliothèque municipale : une ou deux fois par semaine, mais jamais mêmes jours
d- bar « L’ami ne deux faire » : parfois la semaine, presque tous les samedis soirs
e- chez certains amis : souvent, sans moments fixes ou précis ; trop aléatoires
Et le point D est entouré. Pas besoin d’avoir étudié la technique de Sherlock Holmes pour en tirer les conclusions qui s’imposent… » Pages 257 et 258
- « Je passe devant Le Gourmet Gourmé, le restaurant le plus huppé de la ville. À travers l’une des grandes fenêtres en façade, j’aperçois Archlax junior, seul à une table, en train de manger en lisant un livre. » Page 264
- « Repoussant à plus tard ce conflit cornélien, je me contente de dire :
— Oui, c’est la seule. » Page 273
- « Moi, je pourrais bien lui rétorquer qu’un bon polar fait souvent réfléchir (en tout cas, c’est ce que j’ai tenté de faire un peu dans les deux que j’ai écrits, malgré ce qu’en ont pensé les critiques), mais je suis plutôt de mauvaise humeur. » Page 283
- « Limon entre à ce moment. Comme c’est souvent le cas, ses cheveux sont attachés en deux nattes, elle est habillée comme un gentil personnage de la comtesse de Ségur, mais un certain désordre émane d’elle. » Page 284
- « — Avez-vous remarqué la drôle d’ambiance ? C’est pas la première fois que ça se produit…
— C’est vrai, approuve Picard. C’est comme si l’air avait la chair de poule…
Zazz déclenche la sirène de son hilarité, en répétant la formule de Picard entre deux éclats de rire. Durencroix renchérit :
— Et ça arrive toujours pendant la lecture de l’extrait… Bizarre, non ?
— Je pense que c’est parce qu’on est tellement passionnés de littérature que lorsqu’on écoute un passage de livre, on entre dans une sorte de transe ! explique l’enseignante de mathématiques. » Page 289
- « — Sade, ça me dit quelque chose… marmonne Hamelin. C’est pas lui qui a écrit Huis clos ? » Page 294
- « — Comme vous vous entraîniez, vous deviez trop bouger pour vous en rendre compte ! raisonne Poichaux.
— Quand même, un tremblement de terre, on l’aurait senti, aussi léger soit-il, fait le professeur. Vous êtes sûrs que vous lisiez des livres, dans votre réunion ? que vous en fumiez pas du bon ? » Page 298
- « En sortant du cégep, tous les membres du club de lecture se saluent, puis Marie-Josée Hamelin monte dans sa voiture, met le moteur en marche et démarre. » Page 307
- « — Je ferais tout pour venger mon père.
Oh, la-la ! Elle ne gagnera pas un prix littéraire avec ce genre de réplique, c’est certain. » Page 319
- « Son air grave et sérieux cède enfin la place à un sourire. Une crise cardiaque terrassant soudainement un voisin d’avion qui me parle tandis que je lis un bouquin ne me procurerait pas plus agréable soulagement. » Page 320
- « — Dans le cahier d’examen, il y a l’extrait littéraire que vous devez analyser, l’énoncé de la dissertation, puis une dizaine de feuilles vierges pour la rédaction du plan, du brouillon et du travail final. C’est clair ? Bonne chance à tous. » Page 332
- « — Le texte qu’il faut analyser, il est vraiment plate !
Je jette un œil : c’est un extrait de Bonheur d’occasion. Je soupire intérieurement. Si des extraterrestres recensaient les livres obligatoires lus au cégep, ils en viendraient à la conclusion que Gabrielle Roy est la seule écrivaine québécoise. » Page 334
- « — Moi, je vous lirai de la poésie tous les soirs avant que vous vous couchiez ! » Page 335
- « Un cri s’élève, puis un deuxième : des jeunes découvrent enfin le manège de Mortafer, ce qui, allez savoir pourquoi, leur fait instantanément oublier Gabrielle Roy. Rachel tente de les calmer, mais en vain, et si une grande majorité d’élèves n’avaient encore rien vu, Valaire remédie à la situation en vociférant :
— Rémi, câlice ! es-tu viré fou ?
Mortafer bat des paupières et reluque avec ahurissement son sexe comme si ce n’était pas le sien. Pourtant, il ne s’arrête pas, il se branle de plus belle, même si, visiblement, il trouve ses agissements abominables. » Pages 336 et 337
- « Je suis interrompu par une bière qu’on dépose énergiquement devant moi. Incrédule, je dévisage ma consommation un long moment, puis la frôle du bout des doigts, tel Lazare touchant les plaies du Christ. » Page340
- « — Moi aussi, il m’a fallu l’histoire avec Kristin pour que je comprenne… Mais maintenant, il ne faut plus lire d’extraits de roman dans ce local, c’est trop dangereux. » Pages 340 et 341
- « — C’était pendant un cours de philosophie… Le prof a allumé un feu en plein cours, en brûlant toutes les feuilles et les livres. Les élèves ont pu déguerpir sans problème avant que les flammes ne prennent vraiment, mais le temps que les autorités interviennent, le local y passait. L’enseignant en question a été licencié, il était carrément devenu pyromane.
— Pourquoi il a mis le feu ? Qu’est-ce qu’il enseignait au moment de l’incendie, tu le sais ?
— Les étudiants présents en ont évidemment beaucoup parlé dans les semaines qui ont suivi. Il semble que le prof expliquait le courant philosophique du XVIIIe siècle et qu’il lisait à sa classe un extrait d’un bouquin dans lequel on organisait un autodafé. Ce hasard avait vraiment impressionné tout le monde…
Il me regarde, misérable, serrant son verre avec force.
— Et là, il nous arrive la même chose ?
— Sauf que pour nous, ça prend un certain temps avant que l’extrait contamine le lecteur, ça se fait graduellement. Alors qu’avec ce prof de philo, c’est arrivé instantanément, j’ignore pourquoi… (Je réfléchis un moment.) Tu sais qui était l’auteur du passage qu’il lisait ?
— Je ne me souviens pas. Un philosophe du XVIIIe siècle, sans doute, puisque c’est ce qu’il enseignait…
— Voltaire ?
— Peut-être… Pourquoi ?
Je ne réponds pas, totalement dépassé. Mortafer, après avoir bu une bonne gorgée et s’être lissé les cheveux en soupirant derechef, ajoute :
— Je sais aussi qu’il s’est produit quelque chose d’autre dans ce local, un prof de français qui a violé une étudiante en plein cours…
— Quoi ? Mais… Est-ce qu’il lisait un extrait de livre à sa classe ?
— Je sais pas, ça fait presque vingt ans, je n’étais pas encore à Malphas…
— Fuck, Rémi ! Tu étais au courant de tout ça et tu nous as laissés tenir un club de lecture dans cette pièce ? » Pages 341 et 342
- « — Mais, merde ! elle va quand même pas bouffer des bouquins jusqu’à la fin de ses jours !
Ça alors, c’est vraiment le festival des phrases ubuesques, cet après-midi! » Page 343
- « Ce qu’elle n’a pas dit à Archlax, c’est la pensée qui lui avait traversé l’esprit quelques secondes avant son comportement irrationnel : elle avait observé les cahiers qui s’empilaient devant elle, puis avait songé, tout simplement, qu’elle devait les manger… jusqu’à en crever. » Page 344
- « Elle s’arrête devant sa pièce préférée, celle qu’elle se promet d’acheter depuis longtemps : le livre en verre, hommage à Nelligan. » Page 344
- « Elle tourne l’une des trois pages sur lesquelles sont gravés en jaune quelques vers du célèbre poète. Quel travail de précision, quel bon goût… Des pages de verre pour symboliser la fragilité de Nelligan… Des pages si belles… » Page 344
- « Pendant ce temps, la vendeuse, tout en lisant sa revue, se demande si madame Kristin va enfin se décider et acheter ce satané bouquin de verre sur lequel elle salive depuis un an. » Pages 344 et 345
- « La vendeuse croit pendant une seconde qu’elle s’est blessée, mais comprend son erreur en voyant sa cliente porter le livre de verre à ses lèvres et mordre à pleines dents dans la première page déjà à moitié cassée. » Page 346
- « Elle avale alors tout le verre qu’elle a mastiqué puis entame la seconde page. » Page 347
- « La vendeuse réussit enfin à lui saisir un bras et tente désespérément de lui soutirer le livre. » Page 347
- « Chapitre vingt
Je pense qu’il faut dissoudre le club de lecture » Page 349
- « Et dire que Mortafer se figurait que jamais notre collègue n’arriverait à mourir en mangeant un livre… » Page 350
- « — Pis comme vous êtes tous les trois dans le club de lecture, que Rémi en faisait partie aussi… ainsi que Mireille Kristin, je pense, non ? » Page 353
- « — Tu sais que Mireille est morte en bouffant un livre en verre, non ? » Page 355
- « — Je pense qu’il faut dissoudre le club de lecture. » Page 355
- « — Mais c’est sûrement juste des hasards ! proteste-t-il en recommençant à déambuler, agacé. Tenez ! Marie-Josée Hamelin ! Elle aussi a lu un extrait de livre et rien ne s’est produit ! » Page 356
- « — Pour moi, il n’est pas question que nous sabordions le club de lecture. » Page 356
- « Bon Dieu, c’est pire que de la poésie surréaliste ! Mais puisqu’elle est en transe, aussi bien essayer d’en profiter. Je me penche vers elle :
— Zoé, parle-moi du local 1814…
— Il ne faut pas lire les livres… Pas dans cet endroit… » Page 258
- « Et, franchement, l’histoire de cet autobus m’intéresse autant que la biographie de Justin Bieber. » Page 259
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