3,5 étoiles, V

La vie habitable : Poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires

La vie habitable : Poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires de Véronique Côté

Éditions Atelier 10, 2014, 95 pages

Essai de Véronique Côté paru initialement en 2014.

Véronique Côté pose les bases d’une réflexion sur la place de la poésie dans nos vies et dans notre société. Pour elle, la poésie n’est pas juste un style littéraire mais a un sens beaucoup plus large qui inclue la beauté de ce qui nous entoure ou la bonté des gens que l’on côtoie. Elle pose aussi la question sur la nécessité de la poésie dans notre vie quotidienne. Elle aborde divers sujets tel que le taux d’alphabétisation et la distorsion médiatique. Elle interroge aussi plusieurs personnalités québécoises de différents milieux telle qu’une psychologue, un anthropologue, un philosophe, un cinéaste et une militante sur la place de la poésie dans leur vie et dans leur travail. Finalement, pour elle, la poésie peut être aussi de l’insoumission ou la participation citoyenne.

Petit essai moralisateur sur l’inaction de l’humain face aux rigidités des codes sociaux, économiques et politiques. Dans les premières pages Véronique Côté présente sa définition de la poésie et la place que celle-ci prend dans sa vie. Cette section est très agréable à lire et fait réfléchir le lecteur sur la place de la poésie dans notre vie. Malheureusement, l’auteur fait dériver la définition vers la désobéissance civile et son texte ressemble beaucoup à de la propagande. Ce texte a été écrit dans la foulé des manifestations du printemps érable (Grève étudiante québécoise de 2012) et en est grandement teinté. Malheureusement l’auteur ne voit que la poésie de cette désobéissance mais passe sous silence le coté obscure de la violence qu’elle a engendrée. Il ne faut pas oublier qu’il y a eu plus de 3 500 arrestations, une quarantaine de blessés et des milliers de dollars en dommages divers. Le style littéraire de l’auteur est très inégal mais les résumés des entretiens avec les différents intervenant sont mieux écrit. Une lecture qui aurait pu être très pertinente sur la place de la « poésie » n’eut été de la propagande pro-désobéissance.

La note : 3,5 étoiles

Lecture terminée le 20 février 2019

3,5 étoiles, V

Les Voyageurs malgré eux

Les Voyageurs malgré eux d’Elisabeth Vonarburg

Éditions Alire, 2009, 560 pages

Roman écrit par Élisabeth Vonarburg et paru initialement en 1994.

L’Enclave de Montréal est l’une des trois zones francophones du Nord-Amérique. Les deux autres zones sont la Louisiane et le Royaume des Sags. Catherine est enseignante de littérature au Collège français de Montréal-Enclave. En se promenant à travers les canaux de l’Enclave, Catherine est prise à plusieurs reprises de visions qui lui semblent bien réelles. De plus, elle fait des rêves qui sont aussi étranges que ses visions. Ces deux phénomènes viennent perturber son quotidien et lui font prendre conscience que quelque chose cloche. Lors d’une de ses promenades, elle rencontre une jeune amérindienne qui la met en garde contre le gouvernement et semble savoir ce que sont les visions. Afin de s’aérer l’esprit et ne pas passer la période de Noël seule, elle décide d’aller passer quelques jours à Quebec city chez une amie. Mais son voyage ne fera que la pousser plus en avant dans des problèmes politiques et elle réalisera qu’elle a perdu une bonne partie de sa mémoire. Elle sera soupçonnée par le gouvernement d’être une agente du Nord. Pour survivre, elle sera obligée de fuir vers le Royaume des Sags.

Un roman de « science-fiction philosophique » intéressant et exigeant. L’auteur a créé dans ce roman un univers très complexe avec de multitudes de questions d’ordre philosophique, sociologique et politique. Lors de la lecture, il faut que le lecteur soit très attentif car il doit conceptualiser et comprendre les différents univers proposés (rêves, visions, monde actuel modifié …). Afin de bien poser ces différentes facettes de l’histoire l’auteur a malheureusement créé certaines lourdeurs et longueurs dans le texte. La relecture de certains passages ou chapitres est parfois nécessaire pour bien comprendre la trame et le dénouement de l’histoire. La lecture des nouvelles citées par l’auteur dans les repères bibliographiques aurait-elle faciliter l’immersion dans cet univers ? La question se pose et est très pertinente. Les personnages manquent de finesse, surtout les personnages secondaires qui semblent n’avoir qu’une seule dimension comme la mauvaise foi pour celui de Joanne. Un texte qui fait réfléchir sur plusieurs domaines tel que la spiritualité, les religions, le pouvoir et les gouvernements. Malgré sa complexité et sa lourdeur, une histoire très intéressante et captivante par moments pour les initiés de l’auteur.

La note : 3,5 étoiles

Lecture terminée le 18 janvier 2019

3,5 étoiles, M, T

Malphas tome 2 : Torture, luxure et lecture

Malphas tome 2 : Torture, luxure et lecture de Patrick Senécal.

Éditions du club Québec loisirs, 2012, 498 pages

Deuxième tome de la série « Malpha » écrit par Patrick Senécal et paru initialement en 2012.

Malgré les deux cadavres trouvés dans les casiers, le CÉGEP est toujours ouvert. Aucun changement n’a été fait à l’horaire des cours. Les membres du personnel et les étudiants se remettent tranquillement des terribles événements en essayant de reprendre la routine. Julien est plus motivé que jamais à trouver ce qui se cache dans cette école. Il continu avec son acolyte Gracq à enquêter sur les phénomènes étranges qui se sont déroulés depuis l’ouverture de l’école. Michel Condé, un nouvel enseignant fait son arrivé au département de littérature. Dès son arrivée, celui-ci propose de mettre sur pied et de diriger un club de lecture qui serait ouvert à tous les habitants de Saint-Trailouin. Pour se changer les idées, Julien décide d’y participer. Les réunions du club se tiennent dans une classe récemment rénovée. Étant donné les antécédents de Malphas, plusieurs événements étranges se produisent pendant et après les réunions du club. Même les participants sont affectés et ont des comportements de plus en plus étranges.

Une suite qui fait honneur au premier tome. Patrick Senécal poursuit l’histoire sanglante et humoristique qu’il a commencé dans « Le cas des casiers carnassiers ». Cependant, la mise en place de l’histoire du Club lecture est un peu longue et le lecteur perd de vue l’enquête de Julien. Passé la moitié du roman, l’histoire s’accélère et plonge le lecteur dans l’absurdité et l’horreur des comportements déviants des membres du club. Il est incontestable, à la lecture de cette série, que Senécal a une imagination débordante et tordue. Il conserve son style et sa plume axés sur l’horreur et il entretien bien le côté inquiétant de l’atmosphère du cégep. De plus, il y a une légère amélioration au niveau des personnages qui semblent être moins caricaturaux que dans le premier tome. Ils sont plus réalistes même si l’histoire a une grande part de fantastique. Un petit bémol par contre, l’énumération des connaissances de l’auteur sur la littérature pèse lourd sur l’histoire. Le lecteur s’amuse bien au début des références à la littérature, mais comme on dit trop c’est comme pas assez. Une bonne lecture malgré les défauts, elle est même meilleur que celle du premier tome.

La note : 3,5 étoiles

Lecture terminée le 13 décembre 2018

La littérature dans ce roman :

Note :  Aucune citation ne sera relevée ici pour les auteurs et / ou les titres suivants, car elles sont trop nombreuses :
Baudelaire; Lolita de Nabokov; Les Particules élémentaires de Houellebecq; L’Assommoir de Zola; L’Écume des jours de Boris Vian; Ru de Kim Thuy; Le Secret; Mange, prie, aime; Le Rouge et le Noir de Stendhal; La Petite Fille qui aimait trop les allumettes, de Soucy; Les 150 meilleures blagues du Reader’s Digest; Les Racines du ciel de Gary; Le Horla de Maupassant; Le nom de la rose de Eco; Germinal de Zola; Nelligan; Phèdre de Racine; La Philosophie dans le boudoir, de Sade;Balzac; Rousseau; Diderot; Swift; Voltaire

  • « – Criss, est-ce que quelqu’un sait ce qui arrive avec les craies, dans ce cours?
    J’aurais demandé à mes étudiants de me résumer le Ulysse de Joyce que je n’aurais pas obtenu une plus parfaite absence de réaction. »  Page 11
  • « – OK, sortez votre exemplaire des Fleurs du mal et allez au poème « Une charogne ».
    Je commence invariablement par ce texte délicieusement atroce pour démontrer aux élèves que la poésie n’est pas qu’affaire de ciel bleu et d’idylles naïves et je crée ainsi un effet souvent spectaculaire. Je lis donc les strophes lentement, d’une voix un brin théâtrale, et, après avoir clamé le dernier vers qui me fait toujours autan frissonner de plaisir (Que j’ai gardé la forme et l’essence divine / De mes amours décomposés, je lève la tête en souriant.
    Ma classe réagit avec autant d’enthousiasme que si j’avais récité le mode d’emploi d’un malaxeur à multivitesses.
    — Alors ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
    Une main se dresse et je ne m’étonne pas de reconnaître à la base du bras le corps de Limon.
    — Nadine ?
    — C’est génial pis provocateur. Il décrit à sa bien-aimée une carcasse d’animal en décomposition mais avec des mots sublimes. La fusion du beau pis du laid, ça crée une ironie super intéressante. »  Pages 12 et 13
  • « — Mais pourquoi le personnage du poème dépeint-il cette charogne à sa compagne ? Myra, enlève le livre de ta bouche, ça se mange pas… Alors, le narrateur veut-il seulement la choquer ou y a-t-il une intention différente ? »  Page 13
  • « — Alors, Dan, t’as une idée de l’intention de Baudelaire ?
    — Qui ?
    Quelques ricanements. Je le considère un moment, me demandant s’il est sérieux ou si c’est de la simple provocation.
    — Baudelaire. Le mec qui a écrit le poème que tu as sous le nez. »  Pages 13 et 14
  • « — Ben non. C’est poche, de la poésie. Pis Zola aussi, pis tous les osties de livres. »  Page 14
  • « — T’as déjà commencé ?
    — Oui, j’ai eu mon premier groupe ce matin. Un cours de 103 sur la littérature québécoise. Malheureusement, les romans choisis par votre confrère ne sont pas très intéressants… Mais je ne peux pas lui en tenir rigueur, il y a si peu de vrais bons bouquins…
    Merde, ça sent la prétention, odeur dont j’essaie normalement de m’éloigner le plus possible.
    — Parlant de livres, ajoute-t-il, j’imagine que vous avez un club de lecture…
    On se regarde tous comme s’il voulait savoir lequel d’entre nous pratique la zoophilie. Mortafer intervient enfin :
    — Il n’y a jamais eu de club de quoi que ce soit dans cette ville. Sauf il y a dix ans, moment où un regroupement a voulu mettre sur pied le Club Pessimiste, par opposition au Club Optimiste. Personne ne s’est présenté à la première réunion. Même les fondateurs ont affirmé qu’ils n’y avaient jamais vraiment cru.
    — Eh bien, je vais créer un club de lecture. Qu’en dites-vous ?
    À Saint-Trailouin ? M’est avis qu’il aurait plus de chance de succès s’il invitait Laure Waridel dans un McDonald. Mais ma passion pour les livres étant plus forte que mon cynisme, j’annonce tout de go :
    — J’en ferais bien partie, moi. »  Page 22
  • « Je fais quelques pas et constate que le dernier bouquin de son paternel se trouve sur le coin du bureau. Je demande :
    — Vous l’avez lu ?
    — Non.
    — Vous ne lisez pas les livres de votre père ?
    — Plus maintenant. Asseyez-vous, Julien. »  Page 27
  • « — J’étais justement en train d’expliquer à monsieur Bouthot mon projet de club de lecture. Je lui demandais s’il serait possible de se réunir dans la bibliothèque de Malphas. »  Page 32
  • « — J’étais justement en train d’expliquer à monsieur Bouthot mon projet de club de lecture. Je lui demandais s’il serait possible de se réunir dans la bibliothèque de Malphas. »  Page 32
  • « Il attrape alors une craie puis inscrit sur le tableau noir : “Club de lecture de Saint-Trailouin” en grandes lettres raffinées. »  Page 33
  • « — Un club de lecture, quelle bonne idée ! se réjouit Bouthot. Si j’étais pas si occupé, je me joindrais à vous !
    — Je vous comprends, que je dis d’un ton neutre. Le scrapbooking demande tellement d’heures si on veut que ce soit bien fait. »  Page 34
  • « Dans les couloirs déserts du rez-de-chaussée, un battement d’ailes se fait entendre, puis un corbeau, tournant un coin, traverse d’un vol égal et élégant le corridor qui mène jusqu’au local 1814. L’oiseau pénètre dans la classe et se pose sur le bureau. Il pivote vers le tableau noir sur lequel on peut toujours lire « Club de lecture de Saint-Trailouin ». »  Page 40
  • « Nous sommes tous assis derrière les tables, que nous avons placées en rond comme à chaque réunion du département, et nous tournons nos regards vers le bleu, installé entre la Belle et le Bête, c’est-à-dire Rachel et Elmer Davidas. »  Page 43
  • « — Oui, le dramaturge norvégien Slidouz Kvorg a écrit une pièce de théâtre qui met en scène ce Malphas. Il s’agissait bien sûr d’une métaphore de notre société aliénée et aliénante. Je l’ai vue en version originale il y a trois ans à Oslo. Vladasr Crùxh jouait le rôle de Malphas et Rouyna Dvarjd celui du perchoir. Une très bonne pièce, quoique les influences de Bergman y étaient un peu trop évidentes. »  Page 46
  • « Et il présente son club de lecture, qui commencera dès lundi soir, à dix-neuf heures trente, ici même au cégep, dans la classe 1814, et prend soin de préciser que Mortafer, Zazz et votre humble serviteur avons déjà annoncé notre intention de participer. »  Page 51
  • « Junior remonte ses lunettes sur son nez. Fudd poursuit :
    — Ouais, me semble que j’lui ai vendu une couple de livres de sorcellerie… »  Pages 64 et 65
  • « Chapitre quatre
    C’est bien le club de lecture, ici ? »  Page 73
  • « Il n’y aura sans doute pas beaucoup de participants à ce club de lecture, mais au moins ça me permettra de découvrir quelques habitants intéressants de Saint-Trailouin. Quoique, dans une telle ville, je nourris peu d’espoir en ce qui concerne les livres choisis : vais-je devoir me taper le nouveau Marc Lévy ? Ou, pire encore, l’autobiographie de Julie Couillard ? »  Page 73
  • « Il y a Condé et trois femmes que je ne connais pas personnellement mais dont deux, je crois, enseignent au cégep ; il y a aussi une trentenaire que j’ai l’impression d’avoir déjà vue, Poichaux, Mortafer, Zazz et… Enfer et damnation : Davidas ! Mais qu’est-ce qu’il fout ici, cet imbécile patenté ? N’était-il pas évanoui au moment où Condé présentait son club de lecture ? »  Page 74
  • « Qu’est-ce que Davidas va bien nous suggérer comme livre ? Le premier tome de la série Twilight ? »  Page 74
  • « Peu importe, nous nous comprenons et je me dis que ce club de lecture augure plutôt bien. »  Page 75
  • « Une élève qui s’inscrit à un club de lecture, c’est encourageant, non ? »  Page 75
  • « — On va commencer, je pense. Je vous souhaite la bienvenue. Je m’appelle Michel Condé, le fondateur de ce club de lecture… »  Page 75
  • « — Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais filmer nos rencontres. Elles pourraient me servir pour certains cours de littérature, afin que je montre à mes étudiants des exemples de débats. »  Page 76
  • « Il y a d’abord les deux enseignantes que je ne connais à peu près pas : Céline Fallu, prof de maths dans la quarantaine avec une coupe de cheveux en forme de boule (criss que je trouve ce look atroce ! c’est comme si les femmes qui l’arboraient hurlaient à pleine voix : « Regardez ! Je vieillis ! »), habillée jusqu’au cou comme si elle craignait que l’air ambiant réduise sa peau en cendres, qui semble tellement hautaine qu’elle doit en avoir le vertige, et Mireille Kristin, enseignante d’histoire dans la cinquantaine, tignasse en chignon et lunettes avec cordelette, mais qui paraît plutôt relax et qui nous confie en roulant ses R qu’elle aime parrrticulièrrrement les rrromans noirrrs. »  Pages 76 et 77
  • « Et, bien sûr, il y a mon amante d’une nuit qui, je l’apprends enfin, s’appelle Lucette Picard ; elle est mariée, a deux enfants et travaille comme serveuse de jour dans un café, ce qui, selon elle, explique son besoin d’évasion, par exemple en étant membre de ce club de lecture ou encore, ajoute-t-elle en me fixant dans les yeux, en pratiquant d’autres activités occasionnelles. »  Page 77
  • « Je vous épargne les présentations de mes collègues, mais mention spéciale tout de même à Davidas qui, en deux phrases, réussit à démontrer l’étendue de sa bêtise : « Je m’appelle Elmer Davidas et je transmets ma culture d’homme de lettres aux étudiants de Malphas. Je me joins à ce club parce qu’à mon avis la lecture est un besoin aussi essentiel que de se laver ou de conduire une voiture. » »  Pages 77 et 78
  • « — La réunion d’aujourd’hui sera plutôt courte. Vous avez tous songé à un livre que…
    — C’est bien le club de lecture, ici ?
    Nous nous retournons tous vers la porte. Sur le seuil se tient un dandy. Comment appeler autrement un homme fringué d’une pseudo-redingote, d’une chemise blanche à très grand col ouvert avec boutons presque sculptés, d’un pantalon en nylon noir avec fines fioritures tout le long des jambes et dont la tête est couronnée d’abondants cheveux teints en blond et coiffés à la Oscar Wilde ? »  Page 78
  • « — Bien ! fait Condé qui a hâte de commencer. Chacun d’entre vous a donc choisi un livre. Je vais les noter puis porter la liste à la librairie de la ville. La libraire m’a assuré qu’elle les aurait d’ici cinq ou six jours. Dans une semaine, vous pourrez aller les acheter soit tous d’un coup, soit au fur et à mesure des lectures. »  Pages 79 et 80
  • « — On est un club de lecture, Elmer, pas une salle d’attente de dentiste, que je dis sèchement. On lit des romans. »  Page 83
  • « S’ensuit une courte discussion au bout de laquelle Davidas, penaud, annonce qu’il trouvera un titre d’ici la prochaine rencontre.
    — Est-ce qu’il faut spécifier que ça doit être un roman pour adultes ? que j’ajoute. »  Page 83
  • « — Je pensais que ce serait uniquement des livres récents, glisse Zazz, un brin contrariée. »  Page 83
  • « — De toute façon, avoirrr un ou deux classiques dans la liste, c’est trrrès bien ! approuve Kristin en dodelinant du chignon. Je n’ai rrrien contrrre l’idée de lirrre du Zola, Balzac, Voltairrre, ou même du Tolstoï, pourrrquoi pas ? C’est un peu long, c’est vrrrai, mais… »  Page 84
  • « — Bon. Pour choisir le premier bouquin, je propose un simple tirage au sort, qu’en pensez-vous ? »  Page 85
  • « — ‘ksé vous fètes ‘citte ?
    Coups d’œil perplexes de la part des non-initiés. Je prends sur moi de répondre :
    — On est un club de lecture. »  Pages 85 et 86
  • « — Bien. Les bouquins arriveront en librairie dans à peu près six jours. Si nous nous laissons quinze jours pour lire le livre de Rémi, notre prochain rendez-vous serait dans trois semaines. Et à chaque rencontre, celui qui a choisi le roman pourrait en lire un extrait à haute voix. Qu’en pensez-vous ? »  Page 88
  • « — Crime, il est encore tôt ! J’irais bien prendre un verre, moi. Ça intéresse quelqu’un ?
    Et il observe particulièrement la gent féminine en lançant cette invitation. J’ai envie d’accepter, mais comme l’idée d’être seul avec cette caricature de Casanova ne m’enthousiasme guère, j’attends de voir si d’autres répondront à l’appel. »  Page 88
  • « Et dire que, quelques secondes après la prise de ce cliché, ces oiseaux fondaient sur la foule. Un vrai remake du film d’Hitchcock ! »  Page 89
  • « Elle me lance le genre de clin d’œil qu’une mère n’adresserait jamais à son fils (sauf, peut-être, Jocaste à Œdipe) puis poursuit son chemin vers la sortie. »  Page 89
  • « — C’était bien, ton club de lecture ?
    — Ça s’annonce distrayant, je crois. »  Page 92
  • « Il monte l’escalier, se déshabille, se brosse les dents, puis s’installe en caleçon et camisole dans son lit pour lire un roman de Kundera. Au bout de trois minutes, Monique entre, l’observe un moment et, timidement, demande :
    — Tu veux qu’on fasse l’amour ?
    Il baisse son livre, quelque peu pris au dépourvu. »  Page 93
  • « Il étouffe un bâillement, allume sa lampe de chevet (ce qui n’éveille pas sa femme), attrape le livre de Kundera et se remet à lire. »  Page 96
  • « En tout cas, va falloir que j’aie une petite conversation avec les scénaristes d’Hollywood, car ces images représentent bel et bien vacances et barbecue, ou du moins leur équivalent : les Fudd dans le salon de la cabane (salon un peu plus propre et ordonné, mais pas beaucoup), les Fudd dehors dans les bois, les Fudd autour d’un feu de camp, Mélusine lisant un livre de magie au centre d’un pentacle sous le regard professoral de sa mère, Mélusine avec une bière en main, un peu soûle, sous l’œil cette fois plus sévère de maman… »  Page 103
  • « — Voyons, Aline, c’est pas compliqué ! que je m’exaspère. Ça t’a plu, oui ou non ?
    Elle commence à se frotter le genou droit, affolée, comme si elle se retrouvait dans Sophie’s Choice. »  Page 111
  • « — Et toi, Elmer, as-tu finalement choisi ton roman ?
    — Bien sûr. Ce sera le premier tome de la série Walking Dead.
    La plupart des participants ne connaissent pas, mais moi, si, ce qui me fait réagir :
    — Mais… C’est une BD, ça !
    — Un roman graphique, précise Davidas.
    — Roman graphique, BD, narration imagée, criss ! c’est pas un roman !
    — Tu méprises les bédéistes, Julien ?
    — Tu veux vraiment que je te dise qui je méprise ?
    Condé nous ramène à l’ordre et explique qu’effectivement il serait préférable que ce soit un roman « traditionnel ». Il ne s’agit pas de snober les bandes dessinées, mais de se donner un cadre. Davidas, en soupirant, s’incline et promet de trouver un autre titre d’ici la prochaine rencontre. Tout le monde se lève, replace chaises et tables, et enfile son manteau.
    — Moi, j’ai acheté tous les rrromans, dit le prof d’histoire, mais je remarrrque qu’il manque toujourrrs le tien, Michel. »  Pages 115 et 116
  • « Le joint glisse d’entre ses doigts. Sa bouche s’entrouvre et se fige, son expression devient lointaine. Ça y est, elle va entrer en transe. Je m’assure qu’il n’y a personne dans la ruelle, puis m’approche de ma collègue, plus attentif que jamais. Mais elle ne dit rien, le visage statufié en un masque ébahi.
    — Zoé ?
    — Les livres… Les livres…
    Quoi, les livres ? De quoi parle-t-elle ?
    — Il faut pas les lire…
    Sa voix est légèrement dédoublée, comme la dernière fois.
    — Zoé…
    — Il faut pas les lire !
    Fuck, de quoi elle parle ? Ça m’aide pas pantoute ! J’ai l’impression que je vais devoir la guider un peu. Je demande donc doucement :
    — Zoé, parle-moi de Malphas…
    — Il faut pas lire les livres !
    — Zoé, parle-moi du démon Malphas… De la caverne… Des Archlax, père et fils… Tu vois quelque chose ?
    — Il faut pas les lire à cet endroit !
    Fait chier, avec ses livres ! Je lui attrape le bras et insiste :
    — Zoé, parle-moi de Malphas ! »  Page 136
  • « — Oh non ! J’ai encore eu une de ces transes ridicules, c’est ça ?
    — Heu… Un peu, oui.
    — Pis j’ai raconté quoi ?
    — Rien de… T’as parlé de livres qu’il fallait pas lire quelque part, j’ai rien compris. »  Page 137
  • « Les étudiants sont si peu surprenants, si prévisibles. Comme à peu près tout le reste, d’ailleurs : les discussions, la vie de couple, les livres, le quotidien… »  Page 139
  • « Parfois, je me trouve ridicule de mettre tant de travail dans la préparation d’un cours alors que les deux tiers des étudiants n’y verraient que du feu même si j’improvisais. D’ailleurs, j’ai déjà fait le test. Il y a deux ans, j’avais affirmé en classe qu’une métaphore était un instrument à vent et que Nelligan était un chanteur western de la région de Saint-Tite. Il y en a bien quelques-uns qui m’avaient regardé de travers, mais la grande majorité n’avait pas sourcillé. Un garçon m’avait même demandé d’un air dubitatif : « Vous êtes sûr que Nelligan, c’est pas un rappeur ? » Mais bon, il faut penser aux quelques élèves vraiment motivés. Sinon, on se flingue. »  Pages 172 et 173
  • « Zazz, stupéfaite, demande à notre nouveau collègue :
    — Mais comment tu peux dire à tes étudiants que tu trouves plates les livres que tu leur fais lire ?
    — C’est pas moi qui ai choisi ces romans, c’est votre collègue, Mahanaha. Déjà que je dois leur faire lire des bouquins que je déteste, je ne vais pas prétendre que je les aime ! Je ne suis pas masochiste, quand même ! (Il me voit approcher.) N’est-ce pas, Julien ? »  Pages 173 et 174
  • « — Parfait, dit Condé. Et toi, Elmer, as-tu enfin choisi un livre ?
    — Oui, finalement. J’ai opté pour Le Maître du jeu.
    — Ah, je ne connais pas, fait Condé, intéressé. Qui l’a écrit ?
    — C’est Georges-Hébert Germain, mais, évidemment, Angélil l’a beaucoup aidé.
    Froncements de sourcils de toutes parts. Qu’est-ce qu’Angélil vient foutre là-d’dans ? Tout à coup, Zazz, qui semble comprendre, s’inquiète :
    — Tu parles de la biographie de René Angélil ?
    — Absolument ! Tu l’as lue ? C’est vraiment bon, non ?
    — Elmer ! que je soupire en m’appuyant sur mes genoux. Une biographie, c’est pas un roman !
    — Mais oui ! Dans un cas, c’est une histoire inventée, dans l’autre, c’est une histoire vraie. Mais ce sont des romans.
    Je le scrute en me demandant si je dois rire ou lui sauter dessus. Je fais ni l’un ni l’autre, lève une main et demande lentement :
     — Elmer, rassure-moi et jure-moi que tu déblatères pas ces sornettes à tes étudiants…
    Il cligne des yeux, incertain. Tout le monde lui répète pour la millième fois qu’il faut que ce soit un roman et non pas une biographie. Il grimace, confus :
    — Mais pourquoi pas ? L’histoire de quelqu’un, c’est tout de même une…
    — Un roman, Elmer, criss ! que j’éclate. Une histoire inventée, une œuvre de fiction, qui sort de la tête d’un romancier qui l’a imaginée de toutes pièces ! Ciboire, me semble que c’est clair, ça !
    Davidas se gratte le cuir chevelu, ce qui produit une pluie de pellicules, puis marmonne, un peu boudeur :
    — OK, je vais choisir un « vrai roman », comme vous dites, mais je vous trouve de bien mauvaise foi.
    Tandis que nous remettons les chaises et les tables en place, Fallu s’enquiert :
    — Et toi, Michel, tu as choisi le tien ?
    — Oui, répond notre animateur en rangeant sa caméra, mais je l’ai commandé moi-même et les exemplaires arriveront directement chez moi. Je vous les apporterai quand mon nom sera tiré.
    — Et c’est quoi, le livre ?
    — C’est une surprise. Vous verrez !
    Il me les gonfle, avec ses grands mystères ! Les autres membres aussi semblent trouver ce petit jeu exaspérant.
    — Tu joues pas le jeu, Michel, souligne Picard. On a tous présenté notre livre, pourquoi pas toi ?
    — En tant que fondateur du club, je me permets ce petit caprice, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. »  Pages 186 et 187
  • « — J’ai vu que t’as mis tes deux romans avec les autres livres…
    Je hausse une épaule, un peu gêné.
    — Pourquoi pas ? Même si les critiques les ont démolis, ce sont néanmoins des romans, ils ont leur place dans une bibliothèque.
     — T’écris autre chose ?
    — Pas en ce moment.
    Ce qui est faux. Mais pas question de lui dire que je suis en train de compiler les choses bizarres, mystérieuses et complètement folles qui se produisent ici. Plus tard, peut-être, quand il sera plus vieux. Et que j’aurai moi-même compris ce qui se passe.
    — Maintenant que t’as treize ans, je pense que t’es en âge de pouvoir lire mes romans. Si t’en as envie, évidemment.
    — Ouais, peut-être…
    Réponse plus polie que sincère. »  Page 193
  • « Mortafer lui a à peine dit bonjour, sombre et tourmenté, tout comme Ruglas qui, plongée dans la lecture d’une obscure pièce de théâtre, lui a glissé un « enchantée » indifférent du bout des lèvres. »  Page 197 et 198
  • « — J’ai pourtant tout fait pour qu’il vive un bon moment, m’a assuré ma collègue comme si elle craignait que je ne la tienne pour responsable de la défection de mon fils. Je lui ai demandé ce qu’il aimait lire, ce qu’il aimait comme films, je lui ai raconté mes dernières vacances à Sorel, je lui ai proposé une partie de Monopoly que j’étais prête à perdre de la plus humiliante des façons juste pour l’amuser un peu… »  Pages 198 et 199
  • « Le nombre d’heures que nous avons gaspillées à l’urgence aurait sans doute été suffisant pour écrire À la recherche du temps perdu au complet. »  Page 199
  • « — Faut ben faire quelque chose…
    Je ne trouve rien à répliquer à ça, la bouche entrouverte. Je dois ressembler à l’actrice principale de Twilight. »  207
  • « La « patiente », sans nous regarder, quitte la maison, tandis que le médecin, sortant du bureau à son tour, paraît étonné de tomber sur du monde dans sa salle d’attente.
    — Ah ? Je savais pas que j’avais deux aut… Hé ! Julien ? Comment ça va ? J’imagine que t’es pas venu parler littérature !
    Il rigole, en remontant sans aucune discrétion la braguette de son pantalon. »  Page 207
  • « C’est une peinture mettant en scène un beau jeune homme très gandin qui, à son tour, observe avec satisfaction une seconde peinture personnifiant un vieillard au visage malveillant. Sans aucun doute une représentation de Dorian Gray, que je ne m’étonne pas de retrouver ici. N’avais-je pas déjà relevé l’influence d’Oscar Wilde dans le look de Durencroix ? »  Page 211
  • « Durencroix blêmit quelque peu, a un ricanement contrit, puis, pour changer de sujet, indique le tableau du menton en s’approchant :
    — J’imagine que tu reconnais la scène…
    — Dorian Gray, oui…
    Il s’arrête devant la peinture et a un bref soupir mélancolique :
    — Ce serait bien, non ? si on pouvait faire comme Gray…
    — C’est-à-dire ?
    — Que nos vices pis notre vieillesse affectent uniquement un portrait de nous, pour que notre vraie personne reste jeune et pure pour toujours… »  Page 212
  • « — C’est sûr, c’est sûr. Écoute, faut vraiment que j’aille aux toilettes chercher le revolver de Michael Corleone derrière le réservoir… »  Page 217
  • « Je traverse un couloir et, par hasard, passe devant la classe 1814, là où nous avons les rencontres de notre club littéraire. »  Page 229
  • « La jeune Black, plongée dans un livre, est si concentrée qu’elle ne remarque pas ma présence.
    — Allô, Julien.
    — Tu lis ici ?
    — Mais oui ! Je trouve ça stimulant de lire dans notre local de club littéraire, ça me donne un sentiment d’appartenance. »  Page 229
  • « Je travaille depuis une bonne heure lorsque Mortafer, pendant la pause de son cours, vient chercher un livre à son bureau, l’air ailleurs. »  Page 232
  • « — Donc, face à cette situation dramatique, le ministère de l’Éducation propose une série d’actions qui pourraient être mises de l’avant dès la prochaine session. Les voici.
    Sur l’écran apparaissent lesdites actions : 1- prescrire des examens moins complexes ; 2- remplacer les livres du programme par des films ; 3- éviter de leur enseigner des événements antérieurs à 1990 ; 4- ignorer une erreur sur deux durant la correction. Près des trois quarts des personnes présentes dans la salle explosent d’indignation et, cette fois, Valaire grimpe littéralement sur sa chaise, ses cheveux désordonnés hérissés tels les serpents sur la tête de Méduse :
    — Voyons, câlice ! demandez-nous de les faire tous passer tout de suite, ça va être plus clair, ostie ! Tant qu’à y être, voulez-vous qu’on leur donne d’avance les réponses des examens ? »  Page 246
  • « — Moi, je trouve ces idées pas bêtes. Il y a des adaptations cinématographiques de romans qui sont aussi bonnes que les livres originaux, les gens ont tendance à oublier ça. C’est quoi le problème de leur faire voir le dessin animé Le Bossu de Notre-Dame de Walt Disney plutôt que de les obliger à lire le bouquin de Balzac ?
    — C’est Hugo qui l’a écrit ! rigole quelqu’un dans le fond.
    — Hugo, Balzac, c’est le même siècle de toute façon ! Et puis, soyons honnêtes : qui, ici, se rappelle vraiment ce qui s’est passé avant 1990 ? À part l’invention de l’imprimerie, disons, et un ou deux événements du genre… Et on voudrait que nos étudiants le sachent plus que nous ? On vit dans le rêve, franchement ! »  Pages 246 et 247
  • « Au salon se trouve une vieille télé de vingt-six pouces avec écran bombé, mais il y a tout de même un lecteur DVD : Archlax est passéiste mais pas antique. Une grande bibliothèque compte quelques centaines de livres dont je parcours les dos. Quelques bouquins récents d’auteurs acclamés, mais surtout des classiques des siècles précédents : Rabelais, Shakespeare, Molière, Diderot, Gogol, Poe, Hoffmann, Rousseau, Hugo, Balzac, Zola, Tolstoï, Swift, Cervantès, Goethe… Beaucoup de romans d’amour, aussi : Belle du Seigneur, L’Éducation sentimentale, Manon Lescaut, Paul et Virginie… DP, un romantique refoulé ? Je souris en poursuivant mon examen et tombe sur deux rangées remplies d’œuvres de Voltaire. Je lis les titres, impressionné. Bien sûr, j’y retrouve les incontournables, comme Candide, Zadig et Micromégas, mais plus de la moitié me sont parfaitement inconnus, comme Les Deux Consolés, L’Homme aux 40 écus ou Cosi-Sancta. Bref, il y a bien là une cinquantaine de livres, ce qui doit représenter tout près de l’œuvre complète de fiction de l’écrivain. Archlax est manifestement un exégète du célèbre auteur. Le littéraire en moi est tout à coup fasciné et je ne peux m’empêcher d’enlever mes gants, de prendre quelques bouquins du philosophe et de les feuilleter… Je tombe alors sur un exemplaire de L’Ingénu, édition qui comporte en quatrième de couverture un portrait de Voltaire… et je remarque qu’on lui a ajouté, à l’aide d’un crayon-feutre noir, des lunettes, une moustache et une verrue. Sans doute qu’Archlax a déniché ce livre dans une librairie d’occasion et que le visage était déjà barbouillé. Mais j’imagine mal DP acheter un volume qu’on aurait ainsi outragé. Pour en avoir le cœur net, je me mets à la recherche d’autres titres affichant la gueule de Voltaire et en trouve six. Trois des portraits sont intacts, mais les trois autres ont aussi été défigurés.
    C’est donc Archlax qui se serait adonné à ces gamineries ? Pourquoi ridiculiser un auteur que, manifestement, il admire tant ? C’est comme si Stephen Harper gribouillait un gros nez et des dents de lapin sur les photos de la Reine d’Angleterre. À moins qu’Archlax ait acheté tous ces livres d’un même individu qui avait comme passe-temps de ridiculiser les illustrations d’auteurs… On frappe à la porte d’entrée et je sursaute tellement que j’en échappe presque les bouquins. Je fixe la porte, le cœur battant à tout rompre, en remerciant le ciel que les rideaux de la fenêtre avant soient fermés. En vitesse, je replace les livres dans la bibliothèque et me sauve vers l’arrière, mais m’arrête en réalisant que j’ai oublié mes gants. »  Pages 249 et 250
  • « Je fouille dans les tiroirs, convaincus de trouver des magazines pornos. Mais non, que des vêtements. Ça alors, ce type n’a donc vraiment aucun vice ? Même chose dans son armoire : fringues et piles de revues littéraires ou scientifiques. »  Page 252
  • « Je me dirige ensuite vers le bureau, qui ressemble beaucoup à celui du cégep. Dans une petite bibliothèque s’alignent des livres scolaires et pédagogiques desquels je me désintéresse aussi rapidement que s’il s’agissait de l’autobiographie du Prince William. »  Page 253
  • « Finalement, terminons le portrait de ce personnage digne d’habiter l’île du docteur Moreau par les cheveux, rares, rassemblés en quelques touffes disparates qui poussent inégalement et anarchiquement sur cette tête qui a la couleur et, à mon avis, la consistance du granit. »  Page 256
  • « Outre la photo, il y a l’adresse de Clarsain ainsi que ses relevés de notes des deux sessions précédentes. Visiblement, l’adolescent est brillant et, à l’exception d’une ou deux matières, n’a aucune note au-dessous de 90. Ensuite, dans le dernier tiers de la page, des indications à la main ont été ajoutées :
    Lieux à envisager :
    a- chez ses parents, où il habite : presque tous les soirs, mais parents souvent présents
    b- cégep, tous les jours : impossible, bien entendu
    c- bibliothèque municipale : une ou deux fois par semaine, mais jamais mêmes jours
    d- bar « L’ami ne deux faire » : parfois la semaine, presque tous les samedis soirs
    e- chez certains amis : souvent, sans moments fixes ou précis ; trop aléatoires
    Et le point D est entouré. Pas besoin d’avoir étudié la technique de Sherlock Holmes pour en tirer les conclusions qui s’imposent… »  Pages 257 et 258
  • « Je passe devant Le Gourmet Gourmé, le restaurant le plus huppé de la ville. À travers l’une des grandes fenêtres en façade, j’aperçois Archlax junior, seul à une table, en train de manger en lisant un livre. »  Page 264
  • « Repoussant à plus tard ce conflit cornélien, je me contente de dire :
    — Oui, c’est la seule. »  Page 273
  • « Moi, je pourrais bien lui rétorquer qu’un bon polar fait souvent réfléchir (en tout cas, c’est ce que j’ai tenté de faire un peu dans les deux que j’ai écrits, malgré ce qu’en ont pensé les critiques), mais je suis plutôt de mauvaise humeur. »  Page 283
  • « Limon entre à ce moment. Comme c’est souvent le cas, ses cheveux sont attachés en deux nattes, elle est habillée comme un gentil personnage de la comtesse de Ségur, mais un certain désordre émane d’elle. »  Page 284
  • « — Avez-vous remarqué la drôle d’ambiance ? C’est pas la première fois que ça se produit…
    — C’est vrai, approuve Picard. C’est comme si l’air avait la chair de poule…
    Zazz déclenche la sirène de son hilarité, en répétant la formule de Picard entre deux éclats de rire. Durencroix renchérit :
    — Et ça arrive toujours pendant la lecture de l’extrait… Bizarre, non ?
    — Je pense que c’est parce qu’on est tellement passionnés de littérature que lorsqu’on écoute un passage de livre, on entre dans une sorte de transe ! explique l’enseignante de mathématiques. »  Page 289
  • « — Sade, ça me dit quelque chose… marmonne Hamelin. C’est pas lui qui a écrit Huis clos ? »  Page 294
  • « — Comme vous vous entraîniez, vous deviez trop bouger pour vous en rendre compte ! raisonne Poichaux.
    — Quand même, un tremblement de terre, on l’aurait senti, aussi léger soit-il, fait le professeur. Vous êtes sûrs que vous lisiez des livres, dans votre réunion ? que vous en fumiez pas du bon ? »  Page 298
  • « En sortant du cégep, tous les membres du club de lecture se saluent, puis Marie-Josée Hamelin monte dans sa voiture, met le moteur en marche et démarre. »  Page 307
  • « — Je ferais tout pour venger mon père.
    Oh, la-la ! Elle ne gagnera pas un prix littéraire avec ce genre de réplique, c’est certain. »  Page 319
  • « Son air grave et sérieux cède enfin la place à un sourire. Une crise cardiaque terrassant soudainement un voisin d’avion qui me parle tandis que je lis un bouquin ne me procurerait pas plus agréable soulagement. »  Page 320
  • « — Dans le cahier d’examen, il y a l’extrait littéraire que vous devez analyser, l’énoncé de la dissertation, puis une dizaine de feuilles vierges pour la rédaction du plan, du brouillon et du travail final. C’est clair ? Bonne chance à tous. »  Page 332
  • « — Le texte qu’il faut analyser, il est vraiment plate !
    Je jette un œil : c’est un extrait de Bonheur d’occasion. Je soupire intérieurement. Si des extraterrestres recensaient les livres obligatoires lus au cégep, ils en viendraient à la conclusion que Gabrielle Roy est la seule écrivaine québécoise. »  Page 334
  • « — Moi, je vous lirai de la poésie tous les soirs avant que vous vous couchiez ! »  Page 335
  • « Un cri s’élève, puis un deuxième : des jeunes découvrent enfin le manège de Mortafer, ce qui, allez savoir pourquoi, leur fait instantanément oublier Gabrielle Roy. Rachel tente de les calmer, mais en vain, et si une grande majorité d’élèves n’avaient encore rien vu, Valaire remédie à la situation en vociférant :
    — Rémi, câlice ! es-tu viré fou ?
    Mortafer bat des paupières et reluque avec ahurissement son sexe comme si ce n’était pas le sien. Pourtant, il ne s’arrête pas, il se branle de plus belle, même si, visiblement, il trouve ses agissements abominables. »  Pages 336 et 337
  • « Je suis interrompu par une bière qu’on dépose énergiquement devant moi. Incrédule, je dévisage ma consommation un long moment, puis la frôle du bout des doigts, tel Lazare touchant les plaies du Christ. »  Page340
  • « — Moi aussi, il m’a fallu l’histoire avec Kristin pour que je comprenne… Mais maintenant, il ne faut plus lire d’extraits de roman dans ce local, c’est trop dangereux. »  Pages 340 et 341
  • « — C’était pendant un cours de philosophie… Le prof a allumé un feu en plein cours, en brûlant toutes les feuilles et les livres. Les élèves ont pu déguerpir sans problème avant que les flammes ne prennent vraiment, mais le temps que les autorités interviennent, le local y passait. L’enseignant en question a été licencié, il était carrément devenu pyromane.
    — Pourquoi il a mis le feu ? Qu’est-ce qu’il enseignait au moment de l’incendie, tu le sais ?
     — Les étudiants présents en ont évidemment beaucoup parlé dans les semaines qui ont suivi. Il semble que le prof expliquait le courant philosophique du XVIIIe siècle et qu’il lisait à sa classe un extrait d’un bouquin dans lequel on organisait un autodafé. Ce hasard avait vraiment impressionné tout le monde…
    Il me regarde, misérable, serrant son verre avec force.
    — Et là, il nous arrive la même chose ?
    — Sauf que pour nous, ça prend un certain temps avant que l’extrait contamine le lecteur, ça se fait graduellement. Alors qu’avec ce prof de philo, c’est arrivé instantanément, j’ignore pourquoi… (Je réfléchis un moment.) Tu sais qui était l’auteur du passage qu’il lisait ?
     — Je ne me souviens pas. Un philosophe du XVIIIe siècle, sans doute, puisque c’est ce qu’il enseignait…
    — Voltaire ?
    — Peut-être… Pourquoi ?
    Je ne réponds pas, totalement dépassé. Mortafer, après avoir bu une bonne gorgée et s’être lissé les cheveux en soupirant derechef, ajoute :
    — Je sais aussi qu’il s’est produit quelque chose d’autre dans ce local, un prof de français qui a violé une étudiante en plein cours…
    — Quoi ? Mais… Est-ce qu’il lisait un extrait de livre à sa classe ?
    — Je sais pas, ça fait presque vingt ans, je n’étais pas encore à Malphas…
    — Fuck, Rémi ! Tu étais au courant de tout ça et tu nous as laissés tenir un club de lecture dans cette pièce ? »  Pages 341 et 342
  • « — Mais, merde ! elle va quand même pas bouffer des bouquins jusqu’à la fin de ses jours !
    Ça alors, c’est vraiment le festival des phrases ubuesques, cet après-midi! »  Page 343
  • « Ce qu’elle n’a pas dit à Archlax, c’est la pensée qui lui avait traversé l’esprit quelques secondes avant son comportement irrationnel : elle avait observé les cahiers qui s’empilaient devant elle, puis avait songé, tout simplement, qu’elle devait les manger… jusqu’à en crever. »  Page 344
  • « Elle s’arrête devant sa pièce préférée, celle qu’elle se promet d’acheter depuis longtemps : le livre en verre, hommage à Nelligan. »  Page 344
  • « Elle tourne l’une des trois pages sur lesquelles sont gravés en jaune quelques vers du célèbre poète. Quel travail de précision, quel bon goût… Des pages de verre pour symboliser la fragilité de Nelligan… Des pages si belles… »  Page 344
  • « Pendant ce temps, la vendeuse, tout en lisant sa revue, se demande si madame Kristin va enfin se décider et acheter ce satané bouquin de verre sur lequel elle salive depuis un an. »  Pages 344 et 345
  • « La vendeuse croit pendant une seconde qu’elle s’est blessée, mais comprend son erreur en voyant sa cliente porter le livre de verre à ses lèvres et mordre à pleines dents dans la première page déjà à moitié cassée. »  Page 346
  • « Elle avale alors tout le verre qu’elle a mastiqué puis entame la seconde page. »  Page 347
  • « La vendeuse réussit enfin à lui saisir un bras et tente désespérément de lui soutirer le livre. »  Page 347
  • « Chapitre vingt
    Je pense qu’il faut dissoudre le club de lecture »  Page 349
  • « Et dire que Mortafer se figurait que jamais notre collègue n’arriverait à mourir en mangeant un livre… »  Page 350
  • « — Pis comme vous êtes tous les trois dans le club de lecture, que Rémi en faisait partie aussi… ainsi que Mireille Kristin, je pense, non ? »  Page 353
  • « — Tu sais que Mireille est morte en bouffant un livre en verre, non ? »  Page 355
  • « — Je pense qu’il faut dissoudre le club de lecture. »  Page 355
  • « — Mais c’est sûrement juste des hasards ! proteste-t-il en recommençant à déambuler, agacé. Tenez ! Marie-Josée Hamelin ! Elle aussi a lu un extrait de livre et rien ne s’est produit ! »  Page 356
  • « — Pour moi, il n’est pas question que nous sabordions le club de lecture. »  Page 356
  • « Bon Dieu, c’est pire que de la poésie surréaliste !  Mais puisqu’elle est en transe, aussi bien essayer d’en profiter. Je me penche vers elle :
    — Zoé, parle-moi du local 1814…
    — Il ne faut pas lire les livres… Pas dans cet endroit… »  Page 258
  • « Et, franchement, l’histoire de cet autobus m’intéresse autant que la biographie de Justin Bieber. »  Page 259

3,5 étoiles, N

Le naufrage du Titanic

Le naufrage du Titanic de Philippe Masson

Éditions France Loisirs, 1998, 124 pages

Livre écrit par Philippe Masson paru initialement en 1998.

Dans la nuit du 14 avril 1912 lors de son voyage inaugural, le Titanic heurte un iceberg à 23h40 en plein Atlantique Nord. Quatre jours seulement se sont écoulés depuis son départ de Southampton. Malgré sa réputation d’être un paquebot « insubmersible », moins de 3 heures après l’impact le pire se produit, le navire coule. Ce naufrage est l’une des pires catastrophes maritimes car environ 1 500 passagers y sont morts. Cet album survole et analyse quelques faits de l’histoire de cet extraordinaire navire de sa construction à sa découverte en 1985. Une magnifique collection de photos et certains documents illustre la brève vie de ce navire ainsi que celle de sa découverte à 650 km au sud-est de Terre-Neuve et à plus de 3500 mètres de profondeur.

Un très beau livre pour ceux qui veulent s’initier à l’histoire du Titanic. Ce magnifique livre est fort bien documenté et illustré. Il permet d’acquérir les informations de base sur la catastrophe qu’est le naufrage du Titanic. L’auteur présente le paquebot dans son ensemble. En plus de présenter quelques données techniques sur le navire, il dresse l’histoire de quelques personnes qui étaient à son bord lors de la catastrophe. Par son analyse et sa connaissance approfondie du domaine, l’auteur permet au lecteur de comprendre les suites du naufrage soit les procès qui en ont découlé ainsi que la découverte de l’épave. Le style de l’auteur rend cette lecture très facile d’accès sans que le lecteur n’ai besoin de connaissances préalables du drame. Une lecture rapide et intéressante, mais il est dommage que ce texte ne soit pas plus complet et approfondi. De plus, plusieurs erreurs grossières de typographie vers la fin du livre font penser qu’il a été écrit en catastrophe pour profiter de la manne offerte par la sortie du film Titanic de James Cameron en 1998.

La note : 3,5 étoiles

Lecture terminée le 10 décembre 2018

La littérature dans ce roman:

  • « Parmi les passagers privilégiés, on note le major Butt, l’aide de camp du Président des États-Unis William H. Taft, ou encore William Stead, le propriétaire de la revue Pall Mall Gazette. »  Page 24
  • « Les initiés reconnaissent le colonel Jahn Astor, un des hommes les plus riches du monde. Il « vaut » 30 millions de livres. Âgé de quarante-sept ans, Astor est un homme complexe. Auteur d’un roman, bibliophile, excellent yachtman, il affiche une immense curiosité dans les domaines les plus variés de la technique. »  Page 24
  • « Au même niveau, se situe George Widener, le « roi des tramways », amateur de livres rares. Après sa disparition, sa mère fera don de ses livres à la bibliothèque de l’université Harvard qui porte aujourd’hui son nom. »  Page 27
  • « Les passagers de deuxième classe ne sont pas sacrifiés, bien au contraire. La plupart des cabines se trouvent à l’arrière, à l’aplomb des deux dernières cheminées. Elles sont desservies par un escalier et un ascenseur. Elles n’ont plus qu’un lointain rapport avec celle que l’on trouvait encore au milieu du siècle précédent. Dickens, lors de son voyage aux États-Unis, en avait fait la fâcheuse expérience à bord du Britannic considéré pourtant comme une des grandes réussites de l’époque. « Cette cabine ? Un antre impraticable, à peine imaginable, une boîte inconfortable d’apparence repoussante… J’étais assis dans une sorte de box à chevaux fait pour recevoir deux passagers. »  Page 35
  • « Dans le grand salon, le révérend Carter, toujours accompagné de sa femme, célèbre l’office dominical. On change des psaumes. »  Page 40
  • « Rompant ses câbles, la cheminée avant s’abat sur l’aileron tribord de manœuvre, écrasant des dizaines de naufragés. On retrouvera, quelques jours plus tard, le corps de John Astor horriblement mutilé. »  Page 58
  • « Traumatisés par la catastrophe, la plupart des survivants sont hantés par le spectacle que le roman, l’imagerie populaire n’ont cessé de répandre : des grappes de naufragés, le visage torturé par l’angoisse et la haine, s’accrochant aux embarcations et les faisant chavirer en tentant de monter à bord. »  Page 58
  • « Le président de la République française, Armand Fallières, envoie lui aussi un télégramme à George V. « J’ai à cœur d’exprimer personnellement à Votre Majesté la profonde tristesse avec laquelle j’ai appris la terrible catastrophe du Titanic qui met en deuil tant de familles américaines et j’ai à cœur de vous adresser mes très sincères condoléances. Je tiens à dire à Votre Excellence que je prends part à ses angoisses concernant le major Butt. » Le pape Pie X intervient lui aussi. L’aide de camp du président revenait d’une mission auprès du Saint-Siège et Butt était porteur d’une lettre de Sa Sainteté à Taft. »  Page 78
  • « Nombre d’écrivains, de littérateur, de plumitifs ne peuvent résister à la tentation d’évoquer un événement qui bouleverse la conscience humaine. L’académicien Paul Lavedan, au comble de sa réputation et qui bénéficie chaque semaine d’une page entière dans L’Illustration s’efforce, avec un lyrisme devenu aujourd’hui insupportable, de faire revivre la nuit du drame : « L’horreur ne me lâche pas. Je suis hanté du Titanic… Décor : la nuit. La solennelle immensité de la mer. Des étendues infinies et profondes percées de froid, fourrées de brume, occupées et remplies par l’unique et colossal murmure des éléments, l’énorme et doux va-et-vient des flots. Un ciel étoilé, mais sans lune, un ciel noir, gelé, où les astres font l’effet d’une poussière de glace…
    « Et dans ce paysage de désolation majestueuse, je vois un bateau – un seul, un grand, très grand, un gigantesque bateau comme jamais on n’en a vu… ou plutôt non, c’est une maison…. Plus qu’une maison, un quartier! Plus qu’un quartier, une ville! Cette ville inouïe passe, file, suit son chemin. Elle sait ce qu’elle veut, où elle va… Et cependant une montagne de glace est déjà en route… A-t-elle été désignée ? A-t-elle reçu un ordre ? Désignée par qui ? Quel est celui qui aurait donné l’ordre ? Nous ne savons pas, nous n’avons pas à savoir…
    « Ce qui est certain, c’est que la montagne de glace et le bateau géant – mais si petit quand même – qui avaient toutes les raisons, toutes les chances de s’éviter… se sont pourtant rejoints, comme s’ils se cherchaient, comme s’il était écrit qu’ils dussent, à ce moment précis du temps, se rencontrer et se heurter.
    « Et le choc eut lieu. À partir de cette minute, c’est l’incompréhension dans les sentiments, les sensations, la confusion de toutes les idées, de tous les états de l’esprit, du cœur, du corps et de l’âme : des prodiges de raison, de sagesse et de folie, l’apothéose du sang-froid et du courage et puis l’extrême de l’abattement et de la lâcheté; de l’héroïque à côté du bestial; de la révolte en face de la résignation du blasphème, des cris, des pleurs des hurlements, du silence, des baisers et de la prière. »  Pages 78 et 81
  • « Comme le souligne Stéphane Lauzanne dans Le Matin du 17 avril, « Le Titanic constituait l’affirmation la plus formidable de la puissance moderne. Il était le paquebot le plus gigantesque qu’on eût vu à flot depuis que le monde existe. Il était muni des derniers raffinements de la science et de la civilisation. » « Pourtant, il a sombré avec ses appartements d’un luxe inouï, avec sa formidable machinerie, avec ses millionnaires, avec sa télégraphie sans fils… » »  Page 81
  • « Pour d’autres, le drame constitue un sévère avertissement. Il ébranle la confiance illimitée accordée au progrès à l’heure où le positivisme et le scientisme conservent une forte audience au mépris du hasard et des forces profondes. Une remise en cause qui inquiète un Jean Jaurès, toujours adepte fervent d’un progrès nécessaire à « l’émancipation de l’humanité ». »  Page 81
  • « Le publiciste William Stead qui disparaîtra dans le naufrage est, lui aussi, assailli de sombres pressentiments. Au cours d’interminables séances de bridge, il ne cesse de dire et de répéter à ses partenaires que le Titanic peut fort bien disparaître. N’est-il pas l’auteur d’un article paru en 1898 dans la Review of Reviews et intitulé « Du vieux monde au nouveau ». Le récit met en scène un des plus beaux paquebots de la White Star de l’époque, le Majestic, qui sombre, lui aussi, après avoir heurté un iceberg. La conclusion de Stead est prémonitoire : « Les océans parcourus par de rapides paquebots sont jonchés des os blanchis de ceux qui ont embarqué comme nous et ne sont jamais arrivés à bon port. »  Page 82
  • « À la manière des vieux contes populaires, le drame du Titanic fait rapidement l’objet de variations ou même d’affabulation. »  Page 82
  • « La commission d’enquête américaine a toujours eu la conviction qu’il s’agissait du cargo Californian et a lourdement dénoncé la passivité de son commandant, le capitaine Lord.
    Celui-ci a trouvé des défenseurs. Il ne se trouvait pas à mois de 10 milles comme l’ont prétendu les Américains, mais à 20 nautiques comme le confirme son livre de navigation. »  Page 100
  • « La légende du Titanic dépasse largement les premières grandes manifestations de deuil. De nouvelles légendes se tissent. Le drame fait l’objet de romans, de films. »  Page 102
  • « La liste est longue. Des bustes, des statues, des bas-reliefs perpétuent le souvenir du chef d’orchestre William Hartley, dont le corps a été retrouvé quelques jours après le naufrage, du capitaine Smith, des époux Strauss, d’Edith Evans qui avait cédé sa place dans une embarcation à une jeune femme attendue chez elle par son enfant, d’Archibald Batt (Butt), l’aide de camp du président Taft et de l’architecte Thomas Andrews. »  Page 102
  • « Le drame sert de thème à plus de 500 chansons, opérettes, comédies musicales comme The Wreck of the Titanic dont le succès sera considérable en Grande-Bretagne et dans les pays du Commonwealth. Le roman s’en mêle. À de limiter à la production française, le meilleur, et de loin est celui d’Édouard Peisson, paru en 1932, Parti de Liverpool.
    Il met en jeu L’Étoile des mers. Là aussi, c’est le directeur de la compagnie, qui, de son lointain bureau londonien, incite le commandant à battre le record de vitesse sur l’Atlantique nord. Le drame du Titanic se renouvelle. Le paquebot heurte un iceberg en pleine nuit. Le choc est, là encore, à peine perceptible. Mais le nouveau géant des mers se casse progressivement en deux.
    L’évacuation se déroule au milieu d’une effroyable panique. La mise à l’eau des canots par une mer très forte tourne au désastre. Plusieurs embarcations sont écrasées le long de la coque. En fermant le livre, on a cependant la surprise de constater que sur plus de 1 000 passagers, on ne compte que 55 victimes dont le commandant et la plupart des officiers.
    L’œuvre littéraire la lus surprenante est peut-être la saga en trente-trois chants de Hans Magnus Enzesberger, Le Naufrage du Titanic, qui repose sur une parfaite connaissance de tous les détails du drame. »  Pages 102 et 104
  • « Avec Jean Negulesco, Hollywood ne peut s’empêcher de tourner en 1953 son propre Titanic. Le désastre ne sert d’arrière-plan qu’à une banale intrigue. Cinq ans plus tard, intervient le cinéma britannique avec A Night to Remember, Atlantique Latitude 41°. Version honnête, à la limite du documentaire, directement inspirée du livre de Walter Lord et qui n’hésite pas à reprendre une partie des scènes d’évacuation du Titanic de 1943. »  Page 107
  • « Ce trésor, ou plutôt ces trésors, concerneraient des lingots d’or, des diamants de la De Beers, une œuvre rare, comme le Rubbayiat d’Omar Khayam, un recueil de contes persans, à la reliure ornée de rubis, ainsi que des valeurs et des bijoux appartenant à des passagers.
    Il ne s’agit là, en fait, que de pures suppositions. La cargaison n’étai assurée que pour 420 000 dollars. Le Rubbayiat n’était qu’une copie. »  Page 108
  • « Lorsqu’on retrouvera le corps de John Astor, on découvrira dans son portefeuille la coquette somme en billets de 2 440 dollars et 225 livres. »  Page 108
  • « À ce musée, est associé une somme de livres, de brochures, de photos, de films et de vidéos. »  Page 111
  • « Il n’en reste pas moins que rien ne justifie l’incroyable indifférence du (capitaine) Lord et de ses officiers. Rien ne justifie non plus les contradictions du capitaine devant les commissions, ni le fait qu’il ait obligé ses officiers de quart à faire un rapport écrit sur tout ce qu’ils avaient vu pendant la nuit ou encore le silence étrange du livre de navigation, où ne figure aucune note entre 1h30 et 4h30. »  Page 122
  • « Demeurent cependant quelques déceptions. Aucune trace de la momie que le colonel Astor aurait achetée au Caire, au cours de son interminable et scandaleux voyage de noces en Égypte. Pas davantage de trace de la copie du Rubbayiat d’Omar Kayyam. »  Page 125
  • « Le drame de 1912 a donné naissance à un roman de Didier Decoin, La femme de chambre du Titanic, à l’origine d’un film de Bigas Luna, sorti en salle en novembre 1997. »  Page 126
  • « Contrairement à certains ouvrages d’anticipation à succès, comme celui de Clive Cussler, Raise te Titanic (« Renflouez le Titanic »), paru en 1976, le géant des mers ne sera pas relevé. »  Page 127
3,5 étoiles, A, R

L’Assassin royal – Premier cycle, tome 06 : La Reine solitaire

L’Assassin royal – Premier cycle, tome 06 : La Reine solitaire de Robin Hobb

Éditions Baam!, 2009, 327 pages

Sixième et dernier tome en français du premier cycle de « L’Assassin royal » écrit par Robin Hobb. Il correspond au dernier tiers de « The Farseer Trilogy, Book 3 : Assassin’s Quest » paru initialement en 1997.

FitzChevalerie poursuit sa route avec son fidèle compagnon Œil-de-nuit et ses quatre amis pour retrouver Vérité. La fatigue, le découragement et la peur d’être rattrapé par le Clan de Royal minent le moral du groupe. Lors de leur difficile périple sur le Voie magique, Fitz découvre par hasard un bien curieux phénomène. Certains piliers noirs gravés d’étranges hiéroglyphes sont parsemé le long de la voie. Ils permettent à un artiseur d’être transporté dans un autre lieu et à une autre époque. Par le biais d’un des poteaux, Fitz se retrouve dans une ville fantomatique où les dragons y sont honorés. Aurait-il trouvé la ville des Anciens ? Lors de l’exploration de cette cité, il trouve des traces laissées par Vérité qui lui permettent d’ébaucher une carte des environs. De retour avec ses amis, ils décident d’utiliser cette carte en espérant aller à la rencontre de Vérité. Parvenu à la limite de la carte, ils se retrouvent dans une clairière peuplé d’étrange statues. Fitz et Œil-de-nuit ressente à l’aide de leur sens du Vif que ce ne sont pas de simples statues. Pourront-elles les aider à trouver Vérité ?

Une finale qui n’en est pas une et qui traîne en longueur. Dans ce dernier tome, le long voyage de Fitz pour retrouver son oncle arrive à terme. Certaines informations sur l’Art, les Anciens et sur certains personnages sont enfin révélés. Lorsque l’auteur dévoile ces informations, elle capte la curiosité du lecteur et permet à l’intrigue de sorti de sa torpeur descriptive. Le lien particulier qui uni Fitz et le loup est l’élément qui permet au lecteur de rester accroche à cette histoire. Seul le loup semble honnête et respectueux dans sa relation avec Fitz. Le point fort de l’auteure est sa grande maîtrise de l’univers qu’elle a créé avec ses multiples niveaux : humain, géopolitique, historique, magique. Elle a su rendre cet univers complexe très réaliste et intriguant comme l’est la vraie vie. Malheureusement, au court des six tomes, l’auteur n’a pas su se défaire ses travers bien au contraire. On retrouve dans ce sixième tome un texte très inégal dans sa mise-en-place des événements : longueur, répétition et manque d’action à certains moments. Le personnage malmené de Fitz est toujours le plus attachant et le mieux réussit. En revanche, il n’a pas foncièrement évolué au cours de son voyage initiatique durant lequel il est utilisé par tous, on a encore l’impression qu’il a 17 ans. Une épopée réussie qui est parti en lion mais qui s’est essoufflé au cours des tomes pas manque de concision de l’auteur. Une bonne finale qui laisse plusieurs ouvertures pour une suite.

La note : 3,5 étoiles

Lecture terminée le 25 novembre 2018

La littérature dans ce roman:

  • « « Je pensais trouver la situation améliorée à mon retour, mais c’est trop beau pour être vrai, dans un sens. » C’était la voix d’Umbre ; penché sur une table dans une pièce qu’emplissait la pénombre, il étudiait un manuscrit. »  Page 12
  • « Umbre quitta son manuscrit des yeux, l’air mi-amusé, mi-agacé. « Je réfléchis sérieusement et ce n’est pas dans ton lit que je trouverai la réponse que je cherche. »  Page 12
  • « Un manuscrit à la main, un jeune homme souriant descendait rapidement les marches ; je m’écartai pour éviter de le heurter mais, comme il passait près de moi, je ne perçus rien de son essence, puis je me retournai, interdit : il avait les yeux jaune d’ambre. »  Page 16
  • « Alors que je m’y dirigeais, j’entendis des murmures affairés, et soudain les degrés se peuplèrent de personnages à longue robe qui allaient et venaient ; la plupart tenaient à la main des manuscrits ou d’autres documents et leur ton indiquait la discussion d’affaires graves. »  Page 16
  • « Je défonçai une porte qui donnait sur une pièce intérieure, espérant trouver quelque chose de bien conservé, et découvris des murs garnis de casiers en bois dont chacun contenait un manuscrit. Les parchemins semblaient substantiels, de même que les instruments posés sur la table au milieu de la pièce. Mais, au bout de mes doigts tâtonnants, je ne sentis que des fantômes de documents, secs et fragiles comme des cendres. »  Page 24
  • « Tous les contes que j’avais pu entendre décrivaient les dragons comme des vers, des lézards ou des serpents ; mais, en voyant celui-ci surgir du fleuve et déployer ses ailes dégoulinantes, je me pris à songer à un oiseau ; des images de cormorans gracieux s’élevant de la mer après avoir plongé pour attraper un poisson ou de faisans au plumage vivement coloré me vinrent à l’esprit devant l’émersion de la formidable créature rivalisant en taille avec les navires du port, son envergure géante ridiculisant leur voilure. »  Page 26
  • « Une partie de l’épais mystère qui entoure les Anciens provient de ce que les rares représentations que nous avons d’eux se ressemblent très peu entre elles. Cela est vrai non seulement des tapisseries et des manuscrits, qui sont des copies d’ouvrages plus anciens et peuvent donc contenir des erreurs, mais aussi des quelques images qui ont subsisté depuis l’époque du roi Sagesse. Certaines évoquent une similitude avec les dragons des légendes : on y retrouve les ailes, les serres, la peau écailleuse et les vastes proportions, mais d’autres, non ; sur une tapisserie au moins, l’Ancien est montré sous la forme d’un homme, quoique de très grande taille et avec la peau dorée. Les représentations ne sont même pas d’accord sur le nombre de membres que possédait cette race bienveillante : dans certains cas, on lui voit jusqu’à quatre pattes et deux ailes ; dans d’autres, elle n’a pas d’ailes et marche comme les humains. Une théorie a été avancée, selon laquelle la rareté des écrits sur les Anciens proviendrait de ce qu’autrefois le savoir qu’on en avait était considéré comme allant de soi. De même que nul aujourd’hui n’aurait l’idée de rédiger un manuscrit sur les attributs les plus évidents d’un cheval, car cela n’aurait aucun intérêt, personne à l’époque n’aurait songé qu’un jour les Anciens feraient partie de la légende, et cela se tient jusqu’à un certain point. Mais il suffit de jeter un coup d’œil aux textes et aux tapisseries où apparaissent des chevaux sous l’aspect d’animaux qui appartiennent à la vie courante pour s’apercevoir que cette hypothèse est erronée : si les Anciens avaient été si intimement liés à l’existence des humains, leurs représentations auraient dû au contraire abonder. »  Page 29
  • « – Jetons un coup d’œil à la carte que vous avez copiée. » Je sortis le vélin de mon paquetage tandis qu’elle faisait de même de son côté, et nous comparâmes les deux. Il était difficile d’y trouver des similitudes car les échelles étaient différentes ; mais nous finîmes par juger que la zone représentée par la maquette de la cité avait une certaine ressemblance avec la section de route dessinée sur la carte de Kettricken. »  Pages 31 et 32
  • « – Vient le Catalyseur pour changer la chair en pierre et la pierre en chair. Sous son toucher s’éveilleront les dragons de la terre ; la cité endormie tremblera et s’éveillera sous ses pas. Vient le Catalyseur. » La voix du fou était rêveuse. « Les écrits de Damir le Blanc », ajouta Caudron avec révérence. Elle me regarda et une fugitive expression d’agacement envahit ses traits. « Des siècles de textes et de prophéties, et c’est à vous qu’on aboutit ? »  Page 33
  • « Il avait existé d’autres Prophètes blancs, mais lorsque j’ai voulu leur faire comprendre que j’étais celui de cette génération, ils n’ont pas pu l’accepter. Ils m’ont montré des tonnes de documents pour tenter de me convaincre de mon impudence ; mais, moi, plus je lisais, plus ma certitude grandissait. »  Page 68
  • « Nombre d’anciennes « Prophéties blanches » relatent la trahison du Catalyseur ; voici ce que dit Colum le Blanc de cet épisode : « Par son amour il est trahi et son amour est trahi aussi. » Un scribe et prophète moins connu, Gant le Blanc, y ajoute ces détails : « Le cœur du Catalyseur est à nu devant quelqu’un en qui il a une foi absolue. Toute confiance est donnée et toute confiance est trahie. L’enfant du Catalyseur est remis aux mains de ses ennemis par quelqu’un dont l’amour et la fidélité ne sauraient être mis en question. » Les autres prophéties sont plus ambiguës, mais dans tous les cas il est sous-entendu que le Catalyseur est trahi par une personne qui a sa confiance implicite. » 
  • « « Peut-être ai-je appris en écoutant au lieu de poser sans cesse des questions indiscrètes, répliqua-t-elle d’un ton cassant. Et maintenant, buvez-moi ça », ajouta-t-elle comme si elle considérait le chapitre comme clos. »  Page 122
  • « Des légendes courent chez les Montagnards sur une race ancienne, très douée pour la magie et détentrice d’un savoir aujourd’hui perdu à jamais pour les hommes. Ces légendes, par bien des aspects, ressemblent à celles qui parlent des elfes ou des Anciens dans les Six-Duchés ; dans certains cas, elles sont tellement semblables qu’il s’agit manifestement de la même histoire adaptée par des peuples différents. L’exemple le plus frappant est La Chaise volante du fils de la veuve ; chez les Montagnards, ce conte cervien se retrouve sous le titre du Traîneau volant de l’orphelin. Qui peut dire chez qui il a son origine ? »  Page 148
  • « On parle également de cités anciennes, au fin fond des Montagnes, qui auraient été le lieu de résidence de ces êtres. Mais je n’ai trouvé nulle part, ni dans la littérature ni dans la mémoire orale des Montagnards, d’explication sur la disparition de ces créatures. »  Page 148
  • « – Entends-tu seulement ce que tu dis ? m’exclamai-je. Une pierre va s’élever dans le ciel et défendre les Six-Duchés contre les Pirates rouges ! Et les troupes de Royal et les incidents de frontière avec le royaume des Montagnes ? Ce fameux « dragon » va-t-il y mettre un terme aussi ? » La colère m’envahissait peu à peu. « C’est pour ça que nous avons fait tout ce chemin ? Pour un conte à dormir debout auquel même un enfant ne croirait pas ? » »  Page 177
  • « L’aube grisaillait le ciel et je venais de faire le tour du campement quand il déclara : « Il y avait des livres d’Art dont tu ne sais rien, des livres et des parchemins que Galen a enlevés des appartements de Sollicité alors qu’elle se mourait. Le savoir qu’ils renfermaient était réservé aux seuls maîtres d’Art, et certains étaient même fermés par des verrous astucieux. Galen a disposé de nombreuses années pour les ouvrir ; un verrou ne sert pas seulement à maintenir un honnête homme dans le droit chemin, tu sais. Galen a trouvé dans ces textes bien des choses qu’il n’a pas comprises ; mais il existait aussi des parchemins qui contenaient la liste de tous ceux qui avaient été formés à l’Art. Galen a retrouvé ceux qu’il a pu et les a interrogés, et puis il les a éliminés, de peur que d’autres ne leur posent les mêmes questions. Il a découvert bien du savoir dans ces parchemins : comment vivre longtemps et en bonne santé, comment infliger la douleur par l’Art sans même toucher un homme. Mais, dans les manuscrits les plus anciens, il a décelé des indications sur un grand pouvoir qui attendrait un puissant artiseur dans les Montagnes. »  Page 186
  • « – Non, non. » Le fou secoua la tête. « Ça ne s’est pas passé comme ça. Galen n’avait pas révélé à Royal tout ce qu’il avait appris, car alors il n’aurait plus eu la haute main sur son demi-frère. Mais, sois-en assuré, dès la mort de Galen, Royal s’est aussitôt emparé des manuscrits et des livres pour les étudier. »  Pages 186 et 187
  • « « Il devait y avoir bien des choses dans les livres de Sollicité qu’on ne nous a jamais apprises, à Chevalerie et à moi. »  Page 198
  • « Kettricken m’adressa un coup d’œil amusé. « Vous ne croyez toujours pas que le dragon de Vérité volera quand il sera fini ? Moi, si. Mais, évidemment, il ne me reste plus grand-chose en quoi croire. Vraiment plus grand-chose. » Je m’apprêtais à lui répondre que, pour moi, ces histoires de dragons n’étaient que des contes de ménestrels pour les enfants, mais ses derniers mots scellèrent mes lèvres. »  Page 224
  • « « Vous voulez donc que je me serve du Vif et de l’Art pour réveiller les statues de dragons. Mais comment ? » Vérité haussa les épaules. «Je l’ignore. Malgré tout ce que Crécerelle m’a enseigné, il subsiste d’énormes lacunes dans ma connaissance de l’Art. Galen nous a porté un coup majeur en volant les livres de Sollicité et en interrompant notre formation, à Chevalerie et à moi, et je ne cesse de songer à cet épisode ; tramait-il déjà de donner le trône à son demi-frère, ou bien était-il simplement avide de pouvoir ? Nous n’en saurons jamais rien. » »  Page 227
  • « Depuis la tête reptilienne en forme de coin jusqu’à la queue barbelée, c’était le dragon typique des légendes ; admiratif, je caressai ses écailles luisantes et je sentis le Vif ondoyer paresseusement en lui comme un ruban de fumée ; par un pur effort de volonté, je me forçai à croire qu’il y avait de la vie en lui. »  Page 231
  • « Rien n’empêchait Guillot de former de nouveaux élèves : il avait en sa possession tous les livres et manuscrits de Sollicité ; et si l’aptitude à l’Art n’avait rien de commun, elle n’était pas non plus extrêmement rare. »  Page 233
  • « Il faut dire qu’à la lueur du feu mon roi avait l’air d’un démon sorti tout droit d’un conte d’épouvante, le visage éclaboussé de mouchetures miroitantes, les mains et les avant-bras brillants comme s’ils étaient faits d’argent poli ; avec son visage décharné, ses vêtements en lambeaux et ses yeux d’une noirceur absolue, il aurait terrifié n’importe qui, et je dois reconnaître au crédit du soldat de Royal qu’il ne faiblit pas : il bloqua le premier assaut du roi et le détourna – du moins le crut-il. »  Page 238
  • « Je restai un moment près de lui, immobile, mais il ne daigna même pas s’apercevoir de ma présence et continua son ouvrage sans cesser de fredonner de vieilles comptines et des chansons à boire. »  Pages 246 et 247
  • « « Fou, c’est toi qui dois les guider, sur la femme au dragon. Mène-les jusqu’en Cerf, auprès de Vérité ; ils t’écouteront car tu es de la même meute que nous Ŕ, cela, ils le comprennent.
    – Fitz, c’est impossible. Je ne suis pas fait pour ces massacres ! Je ne suis pas venu voir disparaître des vies ! Je ne l’ai jamais vu dans mes rêves, je n’en ai jamais entendu parler dans un manuscrit. J’ai peur de conduire le temps dans une mauvaise direction. »  Page 303
  • « Au seigneur Umbre, conseiller de la reine, Royal remit tous les manuscrits et grimoires de la maîtresse d’Art Sollicité, en l’implorant de les bien garder car ils renfermaient un savoir qui pouvait servir au mal entre de mauvaises mains. »  Page 319
  • « Les Outrîliens avaient des érudits et des sages, malgré la réputation de barbarie que leur prêtaient les Six-Duchés, et ils étudièrent toutes les mentions de dragons qu’ils purent trouver dans les manuscrits anciens. Bien qu’il soit sans doute difficile d’en apporter la preuve absolue, il ne me paraît pas impossible que certaines copies de manuscrits réunies par les maîtres d’Art de Cerf aient été vendues, avant la menace des Pirates rouges sur nos côtes, à des marchands outrîliens qui payèrent grassement pour ces articles. »  Page 320
  • « Il n’est pas nécessaire de tout dire et tout n’est pas bon à dire. Je prends mon manuscrit et me dirige à pas lents vers l’âtre. J’ai les jambes raides d’être resté assis. Il fait froid et humide, aujourd’hui ; le brouillard venu de l’océan s’est infiltré dans toutes mes vieilles blessures et les a réveillées. C’est toujours celle de la flèche la plus douloureuse. Quand le froid resserre cette cicatrice, j’en sens le tiraillement dans tout le corps. Je jette le vélin sur les charbons ; pour ce faire, je dois enjamber Œil-de-Nuit. »  Page 321
  • « Mais avant que j’aie le temps de l’appeler, mon jeune aide se présente dans la pièce. Il fronce le nez en sentant l’odeur du manuscrit en train de se consumer et me lance un regard mordant. »  Page 322
  • « Parfois, lorsqu’Astérie me fait une visite, elle m’apporte de curieux manuscrits anciens, ainsi que des graines et des racines de plantes singulières ; en d’autres occasions, elle me remet du papier fin et du vélin blanc. »  Page 324
  • « Quand elle se rend chez moi, Astérie me réprimande en affirmant que je suis encore jeune. Que sont devenues, me demande-t-elle avec insistance, mes déclarations selon lesquelles j’aurais un jour une existence à moi ? Je lui réponds que je l’ai trouvée ici, dans ma chaumière, avec mes manuscrits, mon loup et mon garçon. »  Page 325
  • « Mon garçon a appris ce que signifiait ce regard chez moi, et il mesure soigneusement l’écorce elfique pour engourdir ma douleur ; il y ajoute du carryme pour m’aider à dormir, et du gingembre pour masquer l’amertume de l’écorce ; puis il m’apporte du papier, une plume et de l’encre, et me laisse écrire. Il sait qu’au matin il me trouvera la tête sur le bureau, endormi parmi mes manuscrits, Œil-de-Nuit couché à mes pieds. »  Page 326
3,5 étoiles, R, T

Ravenloft, Book 05 : Tapestry of Dark Souls

Ravenloft, Book 05 : Tapestry of Dark Souls d’Elaine Bergstrom

Editions TSR (Ravenloft), 1993, 310 pages

Cinquième tome de la série « Ravenloft » écrit par Elaine Bergstrom et publié initialement en 1993.

Dans un vieux monastère perché sur une montagne en Markovia, un petit groupe de moines veille et contrôle une tapisserie ensorcelée. Elle est la création d’une magie très ancienne et possède le pouvoir d’envoûter les êtres maléfiques en exacerbant leurs penchants négatifs pour les capturer. Les entités ainsi emprisonnées dans le tissu augmentent son pouvoir. Les Gardiens connaissent la puissance de la tapisserie et doivent l’empêcher d’accomplir son méfait. Malheureusement, les moines sont de plus en plus vieux et moins nombreux et ils se retrouvent dans l’impossibilité de garder leurs emprises sur la tapisserie. Leur salut viendra-t-il d’un jeune bambin né dans le monastère et dont la mère, Leith, a disparue peu de temps après l’accouchement ? Selon les dires de celle-ci, Jonathan serait le fils d’un des êtres captifs dans la tapisserie. Mais, il pourrait aussi être celui qui libérera la tapisserie du contrôle des moines.

Un roman introductif au monde d’horreur-gothique. L’histoire est bâtie en trois sections, chacune étant dédiée à un des personnages principaux. La première partie est consacrée à la découverte du monde étrange de Markovia par Leith. La seconde est dédiée à son fils Jonathan, à sa vie au monastère mais aussi dans la ville de Tepest et à la découverte de ses pouvoirs. La troisième partie est dédiée au père de Jonathan. Cependant les coupures entre les sections sont trop drastiques, le lecteur a l’impression de carrément de changer d’histoire, surtout entre la première et la deuxième section. Le style de l’auteur est très inégal dans ce texte. Il passe d’hyper descriptif à certain moment à trop concis à d’autres, avec un rythme global très lent. Le point fort de l’auteur est sa façon de construire les personnages. Ils sont tous intéressants, crédibles et chacun a un rôle à jouer dans l’histoire. Ce qui est aussi intéressant c’est que le lecteur perçoit l’évolutions des personnages dû à l’envoûtement de la tapisserie tout au long du texte. Une lecture intéressante et divertissante avec un sujet original qui permet de découvrir l’univers des jeux de types « Donjons et Dragons ».

La note : 3,5 étoiles

Lecture terminée le 19 octobre 2018

La littérature dans ce roman:

  • « The following tale is told on the oldest scroll preserved by the Order of the Guardians. Its edges are charred, though the tale itself is intact. »  Page 1
  • « He paused. I saw the anguish in his face, but I didn’t ask him to stop the tale. »  Page 50
  • « « There must be some way to destroy it, » I said.
    « There is a prophecy written on one of our few remaining scrolls. One day love will corrupt the cloth. One day corruption from within will destroy it. We don’t understand the words, but they give us hope that the future may be less burdensome than the past. »  Page 51
  • « The main passage led to a long, stone-walled room, which smelled of musty paper and dried herbs. The space was filled with leather-bound books and stacks of scrolls. »  Page 65
  • « As we neared him, I saw that he was making notes in the margins of one of the books. »  Page 65
  • « Dirca left us, and I told him everything.
    « Am I harming my child? » I asked when I had finished.
    He paused long enough to open a book and read a few words. »  Page 65
  • « I asked, the, for some means to set down the story of Vhar and me and the cloth. On this scroll, I have written far more than that, but someday you, my son, must understand the reason for what I now do. »  Page 86
  • « Brother Dominic, head of the Order of the Guardians, sat at a table in the dining hall, his face buried in his open palms. Leith’s legacy to her son lay unrolled in front of him. »  Page 88
  • « Now, far too late to help her, the Guardians had found the scroll she had hidden in their library.
    Now, they understood.
    Though many of their questions had been answered by the scroll of Leith’s tragic account, another, far more serious question had been raised. »  Page 89
  • « « Cast an aura around the child. Green, I think. When I pass my amulet through the aura, brighten it. That should be convincing enough. Afterward, we’ll send the child away. »
    Leo nodded and pulled his spellbook from the library shelf. While Dominic sat, parrying that his decision had been the right one, Leo memorized the words and gestures of a simple spell.
    At length Leo, closed the book, and the pair joined the other Guardians in the dining hall. »  Page 91
  • « Again in the library, Leo placed his hands over the final words of Leith’s account. He recited a simple incantation and Leith’s words blurred, lightened, and vanished. Taking a pen and imitating her painstaking script, he revised her legacy. Afterward, he read through the account, altering any references to Jonathan’s parentage to make him seem clearly Vhar’s son. The rest of the account remained as Leith had written it. He placed the scroll in a carved stone box in the library with the other histories of the tapestry, then locked the box with a complex spell he and Dominic alone could undo. None of the other Guardians could read, but surely others, thieves and necromancers, would find the histories a key to power. »  Page 93
  • « « What’s the use of learning this if I can’t use it? » Jon once complained.
    « For protection. But if you display your power outside theses walls for any reason except to save your life, I’ll burn your spellbook. Do you understand? » »  Page 119
  • « If he assured his teacher of his sincere desire to obey, Leo would continue to allow him to copy the spells he had perfected into his own book. »  Page 119
  • « Jonathan had discovered a spell in one of Leo’s books that he thought would make his teacher obey him. He wished he had the courage to try it. »  Page 138
  • « Finally, on the night the wine was given its final staining and was placed in the aging kegs, Ivar asked the boy to join him in the cave beneath the inn. « And bring your spellbook, » he added.
    Jonathan, nervously holding a book in both hands, followed the white-haired man down the winding stairs. »  Page 155
  • « A half-dozen candles lit the space, amd Jon set the book between them. Before Ivar opened it, he ran his fingers over the leather cover Jon had made for it, examined the braided binding. The boy had done much with his meagre supplies. He clearly loved his chosen craft.
    The fist pages were filled with the intricate directions and incantations even the simplest spells required. Most dealt with fire, a fact that hardly surprised Ivar. « You have so few pages in your book, » Ivar commented. »  Page 155
  • « Your spellbook will be kept here or hidden in your room. You must show it to no one, give strangers no hint it exists. That’s the second part of our pact. »  Page 156
  • « Ivar smiled tightly and turned the book to face his pupil. « Now show me what you know. Take whatever time you need to prepare. »
    Jonathan scanned his spellbook, then collected the materials he needed for casting. »  Page 157
  • « At last, exhausted by his display, he closed his book, dropped his hands to the table and stared at Ivar. »  Page 157
  • « Closing his book, he laid it beside Ivar’s thick tomes and scrolls, doused the fire in the hearth, and blew out the candles. »  Page 160
  • « You’ll begin down there, » he said, pointing down t the cavern. « Among my scrolls are two tied with black ribbons. Before you wander these hills alone, read them both. »  Page 161
  • « Jon usually laid a fire on the hearth for warmth, but the light came from cold, glowing balls that floated above his shoulders, illuminating the scrolls he read. »  Page 180
  • « One night, when Jonathan was placing his most recent reading back on the shelves, a shadow touched a scroll near the bottom of the pile. »  Page 180
  • « A scroll was hidden there. Jon had never read any of the scrolls Ivar forbade him to touch, but this wasn’t one of them. Perhaps Ivar hid this one before Jon came, then forgot about it. He pulled it out and noted that its edges were yellowed and brittle. He untied the twine and unrolled it. With the lights dancing above his shoulders, he began to read, struggling to comprehend the strange dialect, the faded, trembling scrawl of its creator. »  Page 181
  • « Nearly all our order’s scrolls were destroyed; the spell that contains the dark souls on the cloth is known through memory alone. »  Page 184
  • « The account ended as abruptly as it had begun. Jonathan sat and stared at the writing. He recalled Maeve’s mention of the tapestry and knew he had discovered the secret the order guarded. « Thank you, » he whispered to the shadow that had guided him to the scroll. As he returned the scroll to the ledge on which it had been hidden, his attention was drawn to the crevice beyond its resting place. »  Page 184
  • « With precise care, he copied in a second spellbook every incantation he had learned. He had many he had ignored because they couldn’t be worked in the close confines of Ivar’s chamber, and he was forbidden to cast them outside. »  Page 185
  • « As he recited the poetry aloud, he heard the whisper once again. »  Page 186
  • « In the past, he had been allowed to read the scrolls kept in the polished chest of drawers that covered one wall. He would find no secrets there, he knew. »  Page 192
  • « Inside were scrolls written in Leo and Ivar’s familiar hands. He ignored those, seeking one whose parchment seemed newer, whose small script was unfamiliar. »  Page 192
  • « By the time Jon finished his mother’s account, his hands were clenched int fists, white knuckles showing the emotion the rest of him hid. He rolled the scroll, tied it and returned it to its box. »  Pages 192 et 193
  • « He waited with one of the common scrolls unrolled on the table before him until the Guardians began their chant. »  Page 193
  • « I’m the pale man that destroyed the Guardians’ shrine, » he added; the boy had already told him of the scroll he had read. »  Page 210 et 211
  • « More words, a slight shake of Morgoth’s head, and the smoke gradually assumed the shape of a closed book. Its gold cover was decorated with intricate, overlapping circles and runes. As Jon intently listened to the words of the spell, je saw the pattern grow more ornate with each moment. Finally, his father lowered the sphere to his chest and whispered a final word. The sphere vanished and the book opened to a central page.
    Morgoth read the words aloud, the same word he had used to conjure the book. » Pages 212 et 213
  • « He walked to Jon and laid the heavy tome in his hands.
    « Look at it, Morgoth said.
    Jon did. The pages contained small, precise hand=writing. Fire spells. Freezing spells. Spells t summon monsters, to make creatures do the caster’s bidding. « The first spell you will learn will be one to improve your concentrations, » Morgoth said. »  Page 213
  • « Ivar’s scrolls and spellbooks are in a cavern joined to ours. »  Page 214
  • « He thought of the words that Leith had written, the uneven scrawl of her hand.
    Her account had made it seem certain that he was Vhar’s child, conceived well before her night of terror in the shrine. Now hi knew that wasn’t true, that je was Morgoth’s child. Would his mother have taken so much time to put down her story only to lie to him an the end? He knew she wouldn’t. Someone had changed her word, magically erased and reformed them in his mother’s hand. »  Page 214 et 215
  • « Leo went into the library and discovered the unsealed box containing Leith’s legacy to her son. Though it was difficult to be certain, he believed that the seal had been broken for some time.
    « You should’ve shown him his mother’s scroll years ago, » Mattas said. »  Page 237
  • « Ivar opened his spellbook and refreshed his memory of a spell any apprentice could cast. »  Page 247
  • « In the morning, so early that even Dirca wasn’t at her place in the kitchen, Ivar packed his books into a vloth bag, took his staff form the cavern, and began the walk to the fortress. »  Page 247
  • « He watched his father open his gold-covered spellbook, noting with pride the ones Jonathan had already mastered.»  Page 253
  • « Jonathan knew his shift in allegiance endangered them all, but Sondra most of all.  He entered Linde through his cave and hid in Ivar’s cavern until the inn was quiet. He collected the spellbooks, and a bit fo money. »  Page 262
  • « « I take back the power I have given you, Morgoth’s voice whispered. The bundle of spellbooks was ripped from Hon’s belt and disappeared into the flowing fog. »  Page 264
  • « As down broke, he returned to Ivar’s cavern. He took his teacher’s remaining spellbooks from their hiding places and carried them back to the milky cavern. There, with Sondra sleeping nearby, he began to read.
    Hours passed as he memorized spells for his final battle. Je thought often of the prophecy mentioned in his mother’s legacy – One day love will corrupt the cloth. One day corruption from within will destroy it. »  Page 289
  • « He closed the book and waited anxiously for Morgoth to come to him. »  Page 289
  • « Morgoth held his spellbook in one hand. »  Page 289
  • « He laid his spellbook in front of Jon and opened it. « Read this, the go to the fortress, » he said and left Jon string numbly at the page. »  Page 291
3,5 étoiles, I, Q

La quête d’Ewilan, tome 3 : L’île du destin

La quête d’Ewilan, tome 3 : L’île du destin de Pierre Bottero

Éditions Rageot, 2003, 267 pages

Troisième et dernier tome de la saga « La quête d’Ewilan » écrit par Pierre Bottero et publié initialement en 2003.

Ewilan et sa troupe sont bien heureux d’avoir réussi leur mission de sauver les Sentinelles qui peuvent maintenant défendre l’Empire contre les Ts’liches. Mais pas de répit pour Ewilan, car ses parents sont toujours prisonniers et elle veut les libérer. Cette deuxième mission plus personnelle celle-là ne sera pas sans danger. En premier lieu elle devra découvrir où ses parents sont tenus prisonnier. Elle devra donc affronter la perfide Eléa Ril’ Morienval qui est prêt à tous pour la faire échouer et garder secret l’endroit où sont enfermé les parents d’Ewilan. Elle reprendra la route avec son petit groupe d’amis mais aussi avec de nouveaux venus. Au court du périple elle rencontrera le grand Merwyn qui la convaincra d’aller chercher son frère pour l’aider dans sa quête. Ce sera ainsi l’occasion pour eux de se connaitre et d’en apprendre davantage sur leur passé.

Un dernier tome qui permet de découvrir les origines d’Ewilan. Bottero continu à nous surprendre dans ce dernier tome en nous offrant une nouvelle mission en prolongement de la première. Cette nouvelle quête permet au lecteur de découvrir l’histoire de la famille d’Ewilan et d’Akiro. Dans la continuité des deux premiers tomes, la plume de l’auteur demeure très belle et fluide. Il sait décrire les émotions de façon très réaliste. Le point fort de ce tome est qu’il permet d’approfondir notre connaissance de certains personnages. Chacun ayant évolué et les relations s’étant créés durant les deux premiers tomes et cela se ressent à la lecture du texte. Dans ce troisième tome nous retrouvons les mêmes petits défauts tel que des situations attendues, quelques longueurs dans l’action. Malheureusement le coté moralisateur de ce troisième tome est un peu déconcertant. Que dire de la leçon de féminisme que la jeune frontalière Siam donne à Ewilan en lui disant de « cogner les garçons » pour ce faire respecter. Vraiment c’est le message que l’on veut passer aux jeunes lectrices qu’à toute situation violence est bonne ? Une bonne trilogie fantasy jeunesse qui nous fait voyager dans le merveilleux monde de Gwendalavir.

La note : 3,5 étoiles

Lecture terminée le 22 septembre 2018

La littérature dans ce roman:

  • « Loup du Nord : Mammifère puissant et extrêmement intelligent qui chasse en meute. Il est plus redoutable qu’un ogre et presque autant qu’une goule. Il ne s’intéresse heureusement que très peu aux hommes et à leurs activités. Sauf quand il a faim…
    Encyclopédie du Savoir et du Pouvoir »  Page 13
  • « Quand Edwin la retrouva, agenouillée au centre de la clairière déserte, elle pleurait, et chacune de ses larmes était un poème offert à l’amour perdu de Merwyn. »  Page 29
  • « Une question revenait sans cesse à son esprit : était-il possible que Merwyn ait été le Merlin des légendes de l’autre monde ?
    Pendant de longues soirées solitaires dans la bibliothèque des Duciel, elle s’était passionnée pour les aventures des chevaliers de la Table ronde et de Merlin l’Enchanteur. Elle connaissait parfaitement l’amour éperdu qui liait ce dernier à la fée Viviane. De telles correspondances entre les noms pouvaient-elles être de simples coïncidences ? »  Page 30
  • « — Tu as eu beaucoup de chance. Personne ne connaît avec exactitude les origines de Merwyn, ou du moins, ne se les rappelle. Il est arrivé au moment où l’humanité vivait une de ses périodes les plus noires et il a apporté l’espoir puis la victoire. Rares sont les légendes qui ne l’évoquent pas et, si bien des empereurs sont aujourd’hui oubliés, le souvenir de Merwyn perdure alors qu’il est mort il y a mille cinq cents ans. Tu sais comment il a brisé le verrou ts’lich, mais tu ignores que, peu après avoir été chassés des Spires, les guerriers lézards qui se savaient incapables de vaincre Merwyn dans un affrontement direct ont décidé de se débarrasser de lui par la ruse.  Page 32
  • « — Et Merwyn ? demanda-t-elle. Qu’est-il devenu ?
    — Il a disparu. D’aucuns soutiennent qu’il est devenu fou de chagrin, que ses larmes ont créé le lac Chen, que sa colère a fait jaillir la chaîne du Poll… ce ne sont que des légendes. La seule certitude, c’est qu’il ne s’est plus jamais manifesté. »  Page 34
  • « Il fallut plus d’une heure à Camille pour retrouver sa sérénité. Elle ne regrettait pas d’avoir passé sous silence la légende de Merlin et Viviane. La réalité alavirienne était tellement plus belle… »  Page 34
  • « — Ferme les yeux, lui ordonna-t-elle, et fais-moi confiance. On va essayer différemment.
    — C’est injuste, protesta Salim. Tu sais bien que si tu me prends par les sentiments je suis capable de te suivre comme un aveugle jusqu’au bout du monde. Encore plus loin peut-être…
    — Tu joueras une autre fois au poète, se moqua gentiment Camille. On y va.
    Elle le guida avec douceur et, stupéfait, Salim sentit un premier degré sous ses pieds, puis un deuxième. »  Page 73
  • « — Désolé, ma vieille, mais je ne pige pas un mot à ce que tu racontes…
    — Ça ne fait rien Salim, ça ne fait rien. Cette île s’appelle Avalon.
    — Comme dans la légende d’Arthur ? L’île de Merlin ?
    — Oui… Allez, viens. Continuons. »  Page 76
  • « — Merci Merwyn, ou devrais-je dire Merlin.  L’inconnu éclata d’un rire frais.
    — Bravo, jeune fille. Je suis heureux que la première personne à qui je parle depuis des siècles soit aussi vive que toi. »  Page 77
  • « J’ai connu Arthur, Lancelot et Perceval… mais c’était ailleurs, dans une autre histoire.
    Merwyn Ril’ Avalon. »  Page 80
  • « Siam était là, installée dans un fauteuil, les jambes passées par-dessus un accoudoir. Elle lisait un épais volume relié de cuir qu’elle referma en voyant Camille se redresser dans son lit. »  Page 80
  • « — Bien sûr, à l’époque, ils portaient des noms d’emprunt. Alain et Élise. Dès que nous les avons vus, Bernard et moi avons été séduits. C’étaient les êtres les plus captivants que nous avions jamais eu l’occasion de rencontrer. Leurs connaissances étaient immenses et totalement ouvertes, leurs goûts variés.  Ils étaient attentifs aux autres, les côtoyer était un pur plaisir. Ils avaient en outre un côté mystérieux qui les rendait terriblement attirants. Ils se disaient écrivains, mais refusaient de parler de leurs œuvres et certaines choses pourtant évidentes les laissaient parfois aussi étonnés que des nouveau-nés. Ils possédaient ainsi un savoir sur la musique ou la littérature à faire mourir de jalousie les plus grands spécialistes, puis nous bombardaient de questions naïves sur le fonctionnement de nos institutions politiques… Très vite, nous sommes devenus amis. Nous nous voyions pourtant par intermittence. Le travail de Bernard nous entraînait au loin, pendant des semaines, eux disparaissaient souvent plus longtemps encore sans que nous sachions où. C’est lors d’une soirée chez Hervé qu’Alain et Élise nous ont révélé la vérité. »  Page 106
  • « Ils se matérialisèrent dans la bibliothèque de la Citadelle dont Camille avait soigneusement mémorisé l’apparence. Il avait été convenu qu’à tour de rôle, quelqu’un les y attendrait, au cas où ils auraient besoin d’aide. Siam était là, feuilletant un épais manuscrit relié de cuir. Quand ils apparurent, elle se leva souplement et s’avança vers eux. »  Page 129
  • « Camille soupira de soulagement pendant qu’Ellana regardait le bouquet que Siam tenait à la main.
    — Des fleurs poussent entre les livres de la bibliothèque ? demanda la marchombre, un rien moqueuse. »  Page 132
  • « Pollimage : Le Pollimage est un fleuve démesuré, mais son débit n’explique qu’en partie l’immensité du lac Chen. Un gigantesque réseau hydraulique souterrain alimente le fleuve et le lac, laissant supposer l’existence d’un véritable monde sous la surface de Gwendalavir.
    Encyclopédie du Savoir et du Pouvoir »  Page 165
3,5 étoiles, E, G

Les enfants de la terre, tome 4 : Le grand voyage

Les enfants de la terre, tome 4 : Le grand voyage de Jean M. Auel

Éditions France Loisirs, 2003, 1020 pages

Quatrième tome de la saga « Les enfants de la terre » écrit par Jean M. Auel et publié initialement en 1990 sous le titre « Earth’s Children, Book 4 – The Plains of Passage ».

Ayla et Jondalar accompagné de leurs chevaux et de Loup font le Grand Voyage vers la terre natale de Jondalar. Un itinéraire long de plusieurs milliers de kilomètres et de presqu’un an de marche. Au cours de ce périple, ils évolueront dans un paysage changeant tant aux niveaux de la faune que de la flore. Cette variation d’environnement apportera son lot d’obstacles pour le couple et pour leurs animaux apprivoisés. Sur leur trajet, ils rencontreront aussi plusieurs peuples. Ils profiteront pour faire un arrêt au camp des Sharamudoï qui avaient hébergé Jondalar et son frère Thonolan lors de leur voyage initiatique vers l’est. Malheureusement pour le couple, tous les tribus rencontrées ne seront pas aussi accueillantes que ce peuple ami. Les nombreuses journées de chevauché seront pour Ayla des moments de réflexion sur son passé et d’anticipation sur l’accueil que lui fera la famille de Jondalar. Comment sera-t-elle accueilli par les Zelandonii, le camp d’origine de Jondalar ? Sera-t-elle repoussée dû à sa différence ? Survivront-ils à ce voyage ?

Une saga qui semble s’essouffler avec ce quatrième tome. Dans cet ouvrage, le lecteur a droit à une description exhaustive du voyage, de la faune et de la flore. Les rencontres avec les différents peuples sont les éléments les plus intéressants de l’histoire, malheureusement elles sont en général trop courtes, trop peu nombreuses et noyées dans les descriptions des paysages. À la lecture on constate encore une fois la grande connaissance de l’auteur sur cette période de l’histoire de l’humanité. Elle est très bien documentée et nous y transporte de façon sublime bien qu’elle aurait gagné à alléger le texte. Les personnages d’Ayla et de Jondalar finissent par acquérir une certaine maturité émotionnelle lors du voyage. Ici plus de lamentations sur leur relation tel que le lecteur l’a vécu dans le troisième tome. Cependant, ils manquent encore de réalisme surtout au niveau psychologique. Il est impensable qu’ils n’aient aucune conception de la méchanceté et qu’ils soient décontenancé devant la démonstration de celle-ci. Un élément négatif du texte est que les scènes de sexe sont trop nombreuses et elles manquent généralement de crédibilité. Cette lecture offre tout de même de courts moments d’évasion. L’histoire est captivante lorsqu’il s’agit de découvrir l’évolution des personnages ainsi que les mœurs de nouvelles tribus. Malheureusement les trop longues descriptions alourdissent le texte qui aurait gagné en dynamisme s’il avait été condensé de plusieurs pages. L’histoire devient sans surprise et répétitive. Le suspense et l’intrigue ne sont pas au rendez-vous. Espérons que les prochains tomes seront plus passionnants.

La note : 3,5 étoiles

Lecture terminée le 3 novembre 2017

La littérature dans ce roman:

  • « Ayla était intriguée par la passion de Losaduna pour les contes, légendes et mythes, pour le monde des esprits – tout ce qu’elle n’avait pas le droit de connaître lorsqu’elle vivait parmi le Clan -, et elle en vint à admirer l’étendue de son savoir. »  Page 810
3,5 étoiles, M

Miroirs de sang

Miroirs de sang de Dean Koontz

Éditions Pocket (Terreur), 1998, 169 pages

Roman de Dean Koontz paru initialement en 1977 sous le titre « The Vision ».

Mary Bergen a des dons de clairvoyance, elle se spécialise dans les visions de meurtres. Son pouvoir lui a déjà permis d’élucider et de prévenir plusieurs crimes. Avec l’aide de son frère et de son mari, elle collabore avec la police pour démasquer un tueur en série qui a plusieurs crimes effroyables à son actif. Cette enquête est la plus difficile de sa carrière. Pour la première fois dans ses visions elle n’arrive pas à voir le visage du meurtrier. Chaque fois qu’elle croit y parvenir, elle entend des bruissements d’ailes de chauve-souris et tout bascule dans le noir, ses nerfs sont mis à rude épreuve. Elle doit aussi apprendre à travailler avec ses propres troubles psychologiques qui remontent à son enfance. Elle aurait été agressée, violentée et traumatisée par un voisin. Pendant ce temps, l’assassin continue à sévir et à accumuler les cadavres de jeunes femmes. Ce qui est le plus stressant pour Mary c’est que le tueur semble là connaître.

Un roman policier divertissant qui entremêle le fantastique, le suspense et l’horreur. Dans cette histoire, l’auteur a basé la résolution de l’enquête sur l’utilisation des phénomènes paranormaux tel que la télékinésie, le poltergeist et bien sur la clairvoyance ce qui très intéressant. Malheureusement, bien que l’intrigue tienne la route, son dénouement est très prévisible. Il n’y a pas suffisamment de rebondissement et de suspense, pour en faire un bon thriller, il aurait fallu peaufiner l’intrigue. Les personnages bien qu’attachants manquent toutefois de profondeur pour être totalement crédibles. Le roman est bien écrit et l’action va très vite. Comme ce livre a été publié initialement en 1977, on peut affirmer qu’il a plutôt mal vieilli. Comme le lecteur n’est pas trop étonné du déroulement, ce livre est une bonne lecture de détente surtout s’il est un non-initié aux phénomènes paranormaux.

La note : 3,5 étoiles

Lecture terminée le 23 mai 2017

La littérature dans ce roman:

  • « Mary gagnait bien sa vie en rédigeant des rubriques sur les phénomènes métapsychiques pour une chaîne de journaux, et avait aussi touché pas mal d’argent grâce à trois  » best-sellers  » consacrés à sa carrière. »  Page 16
  • « La maison Tudor de dix-huit pièces dans Bel Air avait une élégante majesté, à l’ombre bienvenue des arbres. Le domaine d’un hectare avait couté à Mary tout ce qu’elle avait gagné grâce à ses deux premiers best-sellers, mais elle n’avait jamais regretté cet achat. »  Page 37
  • « Bientôt, je n’aurais même pas besoin d’une tornade comme Dorothy pour me transporter à Oz, songeait-elle. »  Page 41
  • « Elle l’attendit dans le petit salon du premier, sa pièce favorite, remplie d’armes et de livres. Des fusils anciens, restaurés avec art et présentés dans des coffrets accrochés au mur. Les œuvres complètes en volumes identiquement reliés de Hemingway, Stevenson, Poe, Shaw, Fitzgerald, Dickens. Une paire de Derringers n 3 fabriqués par Colt en 1872, dans un étui doublé de soie et aux coins de bronze. Des romans de John D. MacDonald, Clavell, Bellow, Woolrich, Levin, Vidal: des ouvrages de Gay Talese, Colin Wilson, Hellman. Toland, Shirer. Et puis ailleurs, des fusils de chasse, des carabines, des revolvers, des pistolets automatiques, et encore des livres, Raymond Chandler, Dashiell Hammett, Ross MacDonald, Mary McCarthy, James M. Cain, Jessamyn West.
    Étrange, cette association de livres et d’armes, songeait Mary. Les deux passions de Max… après elle.
    Elle essaya de lire un best-seller qu’elle voulait commencer depuis des semaines, mais son esprit vagabondait. Elle reposa le livre, alla s’asseoir au bureau de Max, sortit un stylo et un bloc du tiroir, et après avoir contemplé un moment la page blanche se mit à écrire: Page 1 questions:
    Pourquoi ai-je ces visions sans les avoir recherchées?
    Pourquoi brusquement pour la première fois suis-je capable de ressentir la douleur physique des victimes de mes visions ?
    Pourquoi aucun autre clairvoyant n’a ressenti jusque-là d’impression physique au cours des visions?
    Comment le tueur dans le salon de coiffure pouvait-il savoir que je l’observais ?
    Pourquoi m’empêcher de voir le visage de ce tueur par l’intervention d’un poltergeist ?
    Qu’est-ce que tout cela signifie ?  »  Page 55
  • « Max se leva brusquement et alla s’adosser aux rayonnages chargés de livres, étudiant attentivement Mary, réfléchissant et cherchant à se faire une opinion sensée. »  Page 60
  • « A dix heures, Max monta dans la chambre. Il était allé dans la bibliothèque chercher un roman, mais revenait avec un épais volume, de toute évidence un ouvrage de documentation.
    – Je viens de parler au docteur Cauvel. dit-il.
    Mary lisait, assise dans son lit et marqua sa page avec un des rabats du couvre-livre. »  Page 61
  • « Elle voulait éviter une dispute, mais n’arrivait pas à se contrôler. L’orientation de la conversation lui faisait peur, sans qu’elle comprenne pourquoi. Quelque part en elle était enfouie une somme d’informations, de détails, qui la terrifiait sans pourtant qu’elle sache de quoi il s’agissait exactement.
    Debout, tenant son livre comme un prêtre une bible, Max lui demanda: – Veux-tu écouter ceci ? »  Page 61
  • « Elle se laissa retomber avec lassitude sur ses oreillers, tandis que Max ouvrait son livre et commençait de lire d’une voix calme mais ferme:
     » La télékinésie est la faculté de déplacer des objets ou de provoquer des modifications dans leur structure par le seul pouvoir de l’esprit. Les cas signalés comme les plus authentiques se produisent le plus souvent dans des situations de crise ou d’extrême tension. On a remarqué, par exemple, des voitures se soulever au-dessus de blessés, et des décombres au-dessus de mourants dans des immeubles en proie aux flammes ou qui s’étaient écroulés. « 
    – Je sais très bien ce qu’est la télékinésie, coupa Mary.
    Ignorant l’interruption, Max poursuivit:
     » La télékinésie est souvent confondue avec les actes de poltergeists, esprits farceurs et maléfiques. L’existence du poltergeist en tant que corps astral fait l’objet de controverses et n’a pas été prouvée. On notera que dans la plupart des maisons o˘ s’est manifesté ce phénomène, résidaient des adolescents souffrant de sérieux problèmes d’identité, ou des personnes soumises à de graves tensions nerveuses. La théorie selon laquelle les actes de poltergeist résultent en général d’une télékinésie inconsciente est digne d’intérêt.  » »  Page 62
  • « Elle rouvrit son livre à la page marquée, et, ignorant sa présence, fit semblant de lire.
    Elle aurait préféré se retrouver infirme plutôt que de se sentir éloignée de Max, même temporairement. Ils se disputaient rarement, mais elle en souffrait beaucoup à chaque fois. Les quelques heures de silence qui suivaient une querelle dont elle était généralement responsable lui paraissaient insupportables.
    Elle passa le reste de la soirée avec un livre de Colin Wilson intitulé Le monde de l’occulte, incapable de se rappeler ce qu’elle venait de lire d’une page à l’autre. De son côté, Max semblait plongé dans un roman, la pipe au coin de la bouche, apparemment à des milliers de kilomètres de là. »  Page 64
  • « Elle détourna les yeux et se replongea dans son livre. Elle n’avait pas voulu relancer la discussion mais au contraire inciter Max à parler… simplement pour entendre le son de sa voix. »  Page 64
  • « Les guides touristiques décrivaient King’s Point comme une ville  » pleine de charme « ,  » originale et pittoresque « , et pour une fois il ne s’agissait pas de publicité racoleuse. »  Page 72
  • « En dehors d’un confortable sofa et de quelques fauteuils, le salon était essentiellement meublé de livres, de revues, de disques et de tableaux. Des piles de livres étaient entassées partout, à côté du sofa, derrière, sous la table basse, et des revues récentes débordaient de rayonnages pourtant conçus pour en accueillir des centaines. Le seul mur sans livres ni disques était recouvert de peintures à l’huile, d’aquarelles et de pastels, signés par des artistes locaux. »  Page 82
  • « L’un des énormes fauteuils, plus avachi et en moins bon état que les autres, était de toute évidence le siège de prédilection de Lou, où il devait se réfugier pour lire une demi-douzaine de livres par semaine, en buvant trop et en écoutant indifféremment des opéras, du Benny Goodman ou du Bach. »  Page 82
  • « – C’est toi l’expert en occultisme, mon cher. Tu as des centaines de bouquins sur le sujet. Et puis tu connais Mary depuis bien plus longtemps que moi. C’est toi qui nous as présentés. Alors, quelle est ton opinion ? »  Page 85
  • « – J’aurais préféré que vous couchiez ici cette nuit.
    – Nous avons vu ta chambre d’amis, dit Max. Des revues, des livres, mais pas de meubles… Nous apprécions ta culture, et les dimensions de ta bibliothèque, mais dormir sur des piles de livres, vois-tu…
    – Je coucherai sur le divan du séjour, et je vous laisserai ma chambre, proposa Lou. »  Page 92
  • « Certains jours, Max l’observait en silence tandis qu’elle se brossait les cheveux et faisait quelques exercices physiques. Il avait même réussi à la faire rougir en trouvant une comparaison entre son voyeurisme et la  » lecture d’une belle poésie « .
    Mais ce matin, Max prenait sa douche, et il n’y avait personne dans leur chambre pour se délecter de la belle poésie exprimée par le corps de Mary. »  Page 96
  • « Une fois installés de nouveau dans le séjour de Lou Pasternak, au milieu des piles de livres, Max demanda: – Et que fait-on maintenant ? »  Page 117
  • « – Il va falloir que je me décide à ranger le placard de cette pièce un de ces jours, remarqua Lou. La planche du oui-ja était littéralement enfouie sous des tas de cochonneries.
    – Littéralement ? plaisanta Max.
    – Littéralement c’est le cas de le dire puisqu’elle se trouvait sous des piles d’une revue littéraire new-yorkaise. »  Page 124
  • « Et il fonça à travers le séjour encombré de livres, en direction de la porte d’entrée. »  Page 150
  • « Les psychologues, eux, semblaient enracinés dans leur conviction que l’explication de toutes les névroses et les psychoses se trouvait dans les travaux de Freud ou de Jung. »  Page 159
3,5 étoiles, C

Chantier

Chantier de Richard Bachman (Stephen King)

Édition Le livre de poche, publié en 2002, 382 pages

Roman de Richard Bachman (Stepen King) paru initialement en 1981 sous le titre anglais « Roadwork ».

Barton Dawes est un homme ordinaire, à la vie bien rangée. Il travaille à la blanchisserie Ruban Bleu depuis plus de vingt ans. Son travail est toute sa vie. Son employeur lui a même payé sa formation en comptabilité pour le récompenser de sa loyauté. Malheureusement, lorsqu’il apprend que sa maison ainsi que la blanchisserie vont être rasées pour permettre la construction de la route 784, il perd tous ses repères. Bart ne veut pas déménager car il est attaché à sa maison où a grandi son fils unique, trop tôt disparu. Malgré les avis d’expropriation, il ne fait aucune démarche pour trouver une nouvelle résidence ni pour trouver un nouvel emplacement pour la blanchisserie. Son inaction et sa mauvaise foi, dans les deux dossiers, vont créer des tensions avec ses patrons et avec son épouse Mary qui est tenu à l’écart de ses décisions. Alors que le chantier se rapproche, Bart nourrit ses frustrations et bascule dans la violence. Jusqu’où est prêt à aller un homme qui perd tout et qui sombre dans la névrose mais surtout qui veut faire connaitre son point de vu aux autorités ?

Un thriller psychologique perturbant et inquiétant. L’histoire que propose Bachman est simple en apparence mais elle se complexifie lentement au fil des pages. Stephen King caché derrière ce pseudonyme offre un roman psychologique sans une once de fantastique. Il nous présente la descente aux enfers d’un homme qui est repoussé dans ses retranchements les plus sombres par la société. Le personnage de Bart prend toute la place et il est très crédible dans son délire. Il se dévoile tranquillement avec ses zones d’ombre et de lumière aussi. L’évolution de son schème mental est vraiment terrifiant et bien amené. Bachman exploite ici la problématique de l’attachement à des lieux physiques. Il réussit à bien nous décrire les états d’âme de Bart qui nous semblent à première vue complètement désaxés. L’intrigue est menée avec un beau crescendo, un petit bémol cependant certains passages manquent de rythme et n’apporte rien au déroulement. Malgré ce défauts, Chantier est un roman qu’il faut lire pour se plonger dans le monde de Bart mais aussi dans les problématiques sociales des années 1970 en Amériques. Un bon moment de lecture somme toute.

La note : 3,5 étoiles

Lecture terminée le 22 avril 2017

La littérature dans ce roman

  • « Il reconnut aussitôt les cartouches de 22: quand il était petit, dans le Connecticut, il avait un 22 long rifle à un seul coup. Il y avait trois ans qu’il le désirait, mais, quand on le lui offrit enfin, il ne sut trop qu’en faire. Il s’amusa quelque temps à tirer sur des boîtes de conserve vides, puis, un jour, abattit un rollier. L’oiseau n’avait pas été tué sur le coup. Accroupi dans la neige rosie par son sang, il ouvrait et fermait lentement le bec. Après cela, il accrocha son fusil au mur, et n’y toucha plus pendant trois ans. Il finit par le vendre à un gosse du quartier, pour neuf dollars plus un carton de bandes dessinées. »  Page 18
  • « Il y avait trois autres lettres: un rappel de la bibliothèque, concernant Face aux lions, de Tom Wicker. Le mois dernier, Wicker était venu parler au Rotary: le meilleur orateur qu’ils aient eu depuis des années. »  Page 31
  • « Ray me dit alors: mon père et moi voulons que vous repreniez vos études. Je ne demanderais pas mieux, répondis-je, mais je n’en ai pas les moyens ! Il me tendit alors un chèque de deux mille dollars. Je n’en croyais pas mes yeux. Pourquoi, mais pourquoi ? Il ajouta que cela ne suffirait pas, mais qu’il paierait mon inscription, mon logement et mes livres. »  Page 47
  • « Vinnie parti, il resta un moment à fixer la porte fermée. Aïe, je m’en suis vraiment mal tiré, Fred. Mais non, George, plutôt bien à mon avis. Tu as peut-être un peu perdu le contrôle sur la fin, mais ce n’est que dans les livres que les gens trouvent les mots qu’il faut du premier coup. »  Page 50
  • « Il le fit entrer et referma la porte. Des rayonnages pleins de livres tenaient tous les murs. »  Page 58
  • « C’est la vie, comme l’a si astucieusement fait observer Kurt Vonnegut. Il avait lu tous les livres de Kurt Vonnegut. Il les aimait surtout parce qu’ils le faisaient rire. La semaine dernière, il avait entendu aux informations que la commission scolaire d’une ville nommée Drake, dans le Dakota du Nord, avait fait brûler tous les exemplaires du roman de Vonnegut, Abattoir Cinq, qui parlait du bombardement et de l’incendie de Dresde. Ce n’était pas sans humour, à bien y réfléchir. »  Page 72
  • « – Pourquoi les hommes veulent-ils la télé ? Pour regarder les matches du week-end. Et pourquoi les femmes la veulent-elles ? Pour regarder les feuilletons l’après-midi. On peut suivre même en repassant, ou bien s’installer confortablement quand le ménage est terminé. Eh bien, supposons que nous trouvions tous les deux quelque chose à faire-quelque chose qui rapporte-pendant les heures que nous perdons pour rien…
    – Au lieu de lire un livre, par exemple, ou de faire l’amour ? »  Pages 84 et 85
  • « Il suivait maintenant la Nationale 16, bordée des dernières excroissances de la ville: McDonald’s, Shakey’s, Nino’s Grill, puis un glacier et un motel, tous deux fermés pour la saison. Sur la marquise du cinéma drive-in de Norton, les programmes étaient indiqués:
    VEN – JEU – SAM
    RESTLESS WIVES
    SOME CAME RUNNING Classé X
    EIGHT-BALL »  Pages 98 et 99
  • « Il vida les tiroirs de son bureau, et jeta tous ses papiers personnels, sans oublier son livre de comptabilité. Il écrivit une courte lettre de démission au dos d’un imprimé – un bon de commande – et la glissa dans une enveloppe de paie. »  Page 120
  • « Magliore le fixa avec des yeux plus ronds et plus gros que jamais. Cela dura un bon moment. Ensuite, il rejeta la tête en arrière et se mit à rire, d’un énorme rire gras, pantagruélique, qui secouait sa grosse bedaine et faisait tressauter sa boucle de ceinture comme un bateau pris dans la tempête. »  Page 133
  • « Et les émissions du samedi matin, comme « Annie Oakley », qui sauvait toujours son petit frère d’un tas de catastrophes épouvantables.  » Rin-Tin-Tin « , qui était de service à Fort Apache, et  » Sergent Preston « , qui se passait sur le Yukon. »  Page 147
  • « Vous la voyez juste devant vous, dans cette bouteille géante de Southern Comfort, préservée pour la postérité. Parfait, Madame, baissez la tête pour franchir le col, il va bientôt s’élargir. Et nous voici dans la maison de Barton George Dawes, dernier habitant de Crestallen Street West. Oui, regardez par la fenêtre pour mieux voir – attends, fiston, je vais te soulever, hop ! Et voilà George en chair et en os. C’est bien lui, assis devant sa télé couleur Zenith dans son caleçon rayé: il tient un verre à la main et il pleure. Il pleure ? Bien sûr, il pleure ! que ferait-il d’autre au Pays de l’Apitoiement sur Soi-même ? Il pleure sans discontinuer. Le débit de ses larmes est contrôlé par notre ÉQUIPE D’INGÉNIEURS DE RÉPUTATION MONDIALE. Les lundis, où l’affluence est moindre, il se contente de larmoyer un peu. Les autres jours, il pleure nettement plus. Pendant le week-end, il passe en overdrive, et pour Noël, on le verra peut-être se noyer dans des flots de larmes. Je reconnais que c’est un spectacle peu ragoûtant, mais George est tout de même un de nos personnages les plus populaires, au même titre que notre recréation de King Kong sur l’Empire State Building. C’est… »  Page 148
  • « Elle avait un teint très clair, sans doute laiteux en des conditions normales, mais le froid avait rosi ses joues et son front. Le bout de son nez était rouge, et une petite goutte pendait à sa narine gauche. Ses cheveux étaient courts. Une mauvaise coupe, sans doute l’avait-elle faite elle-même. Ils étaient d’une jolie couleur châtain. Dommage de les couper, et encore plus de les couper mal. Comment s’appelait encore ce conte de Noël de O. Henry ? Ah oui ! Le Cadeau des Mages. Pour qui as-tu acheté une chaîne de montre, petit vagabond ? »  Page 153
  • « – Le mieux, c’est de prendre la nationale 7, dit-il. On la rejoint à Westgate – c’est la dernière sortie.  » Après un instant d’hésitation, il ajouta :  » Mais vous feriez mieux de laisser tomber pour aujourd’hui. Il y a un Holiday Inn juste à la sortie. Nous n’y serons guère avant le coucher du soleil, et je ne vous conseille pas de faire du stop sur la 7 la nuit.
    – Pourquoi pas ?  » demanda-t-elle en le regardant. Ses yeux étaient d’un vert déconcertant: une couleur dont on parle dans les livres, mais qu’on ne voit presque jamais. »  Page 154
  • « La voiture qu’ils suivaient transportait un arbre de Noël sur sa galerie. Les yeux verts de la jeune fille étaient grands ouverts, et il se perdit en eux: un de ces moments de parfaite empathie que les humains connaissent en des occasions miséricordieusement fort rares. Il vit que toutes ces voitures allaient en des lieux bien chauffés, où il y avait des affaires à traiter, des amis à accueillir, ou le tissu d’une vie familiale à reprendre et à enjoliver.
    Il vit leur indifférence aux étrangers. Dans un bref et froid éclair de compréhension, il vit ce que Thomas Carlyle appelait la grande locomotive morte du monde, fonçant aveuglément de l’avant. »  Pages 160 et 161
  • « Elle s’amusait avec le gadget spatial; passant sans cesse d’une chaîne à l’autre, la télé faisait étalage de ses merveilles:  » Vrai ou Faux « , neige,  » Le Métier que j’ai choisi « ,  » Je rêve de Jeannie « , neige,  » L’île de Gilligan « , neige,  » J’aime Lucie « , neige, neige, Julia Child confectionnant avec des avocats un machin qui ressemblait à de la pâtée pour chiens,  » Le Prix des choses « , neige, et retour à Garry Moore, qui mettait les jurés au défi de découvrir lequel des trois concurrents était l’auteur d’un livre racontant ce qu’il avait vécu lorsqu’il s’était perdu un mois durant dans les forêts du Saskatchewan. »  Page 168
  • «  » Soit vous êtes fou, soit vous êtes un homme vraiment remarquable.
    – Les gens ne sont remarquables que dans les livres, dit-il. Vous remettez la télé ?  » »  Page 171
  • «  » On a beaucoup exagéré au sujet de toutes ces drogues. Chacun essaie de tirer la couverture à soi. Les straights affirment qu’elles vous tuent. Les freaks disent qu’elles ouvrent toutes les portes. Un tunnel pour accéder au centre de soi-même, à croire que l’âme est un trésor, comme dans les romans de Rider Haggard. Vous connaissez ?
    – J’ai lu She dans ma jeunesse. C’est bien de lui ?
    – Oui. Croyez-vous vraiment que votre âme soit pareille à une émeraude ornant le front d’une idole ?
    – Je ne me suis jamais posé la question.
    – Moi en tout cas, je ne le crois pas. »  Pages 179 et 180
  • « – C’est dingue, cette histoire, dit-il en ralentissant parce qu’ils franchissaient un pont qui était en travaux.
    – Ces produits vous rendent dingue, dit-elle.  Parfois, c’est bien, mais la plupart du temps, pas. En tout cas, on s’était mis à en prendre pas mal. Avez-vous déjà vu un de ces dessins montrant la structure de l’atome, avec les protons, les neutrons et les électrons tournant autour du noyau ?
    – Oui.
    – Eh bien, c’est comme si notre appartement était le noyau, et que tous les gens qui venaient étaient les protons et les électrons. Ils allaient et venaient, entraient, sortaient, d’une façon décousue, anarchique, comme dans Manhattan Transfer.
    – Je ne l’ai pas lu.
    – Vous devriez. Jeff disait toujours que Dos Passos était le premier journaliste gonzo. Un livre bizarre et effrayant. Ouais… Certains soirs on était assis à regarder la télé avec le son coupé en écoutant un disque, tout le monde complètement stone, sans doute un ou deux couples en train de baiser dans la chambre, et on ne savait même plus qui étaient tous ces foutus mecs et nanas. Vous voyez ce que je veux dire ? « 
    Se souvenant de certaines soirées qu’il avait traversées dans les brumes de l’alcool, aussi ébahi qu’Alice au pays des Merveilles, il lui dit qu’il voyait. »  Pages 181 et 182
  • « Comme tous les restaurants du quartier des affaires, Andy’s était victime des fluctuations de la mode. Deux mois auparavant, il aurait pu arriver à midi pile et choisir une des meilleures tables-dans trois mois, il en irait peut-être de même. Pour le moment, le restaurant était  » in « . Pour lui, c’était un des petits mystères de la vie, comme les incidents des livres de Charles Fort ou l’instinct qui ramène toujours les hirondelles à Capistrano. »  Page 193
  • « Depuis qu’il avait garé sa station-wagon à trois rues de là (il avait fait le reste du trajet à pied), il était hanté par une impression inquiétante, dont le sens exact lui échappait. Alors qu’il regardait la grue s’arrêter devant le mur en brique de l’usine tout devint clair. C’était comme dans le dernier chapitre d’un roman d’Ellery queen, où tous les personnages sont réunis pour que le mécanisme du crime soit révélé et le coupable démasqué. Bientôt, quelqu’un – selon toute probabilité Steve Ordner-sortirait de la foule pour le désigner du doigt en criant: C’est lui ! Bart Dawes ! L’assassin du Ruban Bleu! Il sortirait alors son revolver pour réduire son accusateur au silence, mais serait abattu par la police avant d’avoir pu tirer. »  Pages 215 et 216
  • « Il ouvrit la porte du garage et vit que l’allée était déjà couverte de dix centimètres de neige, une neige poudreuse, très légère. Il monta dans la LTD et mit le contact. Le réservoir était encore aux trois quarts plein. Il laissa le moteur chauffer, et, assis au volant dans la lueur mystique du tableau de bord, se mit à penser à Arnie Walker. Juste un bout de tuyau de caoutchouc… Pas mal. Et ensuite, c’est comme si on s’endormait. Il avait lu quelque part que l’intoxication par l’oxyde de carbone produisait cet effet. Cela faisait même affluer le sang aux joues, vous donnant un teint rouge et hâlé, comme si vous éclatiez de santé… »  Page 220
  • « La notion d’absolution lui posait elle aussi des problèmes. Au début, cela paraissait fort simple: si vous commettez un péché mortel, vous êtes damné. Vous aurez beau réciter des Je vous salue Marie jusqu’à ce que la langue vous en tombe, vous irez quand même en enfer. Mais Mary lui avait dit qu’il n’en était pas toujours ainsi. Il y avait la confession le repentir, l’absolution et tout ça. Cela devenait de plus en plus confus. Le Christ avait dit qu’il n’y avait pas de vie éternelle pour un assassin, mais il avait également dit, quiconque croit en moi ne périra point. quiconque. La doctrine biblique semblait aussi pleine de subterfuges qu’une promesse d’achat rédigée par un avocat malhonnête. Sauf, bien entendu, en ce qui concernait le suicide. Impossible pour un suicidé de se confesser ou de se repentir, parce que l’acte lui-même a coupé le cordon d’argent pour vous précipiter dans Dieu sait quelles ténèbres. Et…
    Et pourquoi pensait-il à cela, d’ailleurs ? Il n’avait pas l’intention de tuer qui que ce soit, et certainement pas de mettre fin à ses jours. Il ne pensait même jamais au suicide. Jusqu’à ces tout derniers temps, du moins. »  Pages 224 et 225
  • « Il s’agitait fiévreusement dans son lit, attendant que la lumière bleue d’un gyrophare balaie la fenêtre de la chambre, attendant le moment o˘ une voix désincarnée, kafkaïenne, clamerait: Inutile de résister, ouvrez ! Lorsqu’il s’endormit enfin, il ne s’en aperçut même pas, car ses pensées continuèrent sans transition, passant insensiblement de la rumination consciente aux visions obliques du sommeil, comme la mécanique bien huilée d’une voiture passant de troisième en seconde. »  Pages 232 et 233
  • « Joanna, c’était Joanna St. Claire, une cousine de Jean Calloway, qui habitait le Minnesota. Elles avaient été très proches du temps de leur jeunesse (sans doute lui arrivait-il de penser, pendant ce plaisant intermède séparant la Guerre de 1812 de la naissance de la Confédération des États sécessionnistes), et Joanna avait eu une attaque au mois de juillet. Elle avait bon espoir de se remettre, mais Jean avait confié à Mary que les médecins les avaient prévenus qu’elle était à la merci d’une rechute fatale. Très agréable, pensa-t-il, d’avoir une bombe à retardement au milieu de la tête. Eh, la bombe, c’est pour aujourd’hui ? Non, pas aujourd’hui, s’il te plaît ! Je n’ai pas terminé le dernier roman de Victoria Holt. »  Page 239
  • « – Arrêtez ce trip, mon vieux, vous êtes en plein nombrilisme !
    – Possible, dit-il. Mais sans importance. Tout est en place, et les événements suivront leur cours, dans un sens ou dans l’autre. Un seul truc me tracasse: j’ai parfois l’impression que je suis un personnage dans un mauvais roman, et que l’auteur a déjà décidé comment cela allait se terminer et pourquoi. Mais cela vaut quand même mieux que de rendre Dieu responsable de tout – qu’a-t-il jamais fait pour moi, Dieu, que ce soit en bien ou en mal ? Non, tout est de la faute de ce minable écrivaillon. Il a sacrifié mon fils en lui inventant une tumeur au cerveau – ça, c’était le chapitre un. Suicide ou pas suicide, ça viendra juste avant l’épilogue. Une histoire complètement stupide. »  Page 251
  • « Il aurait voulu voir ce que son fils allait devenir, et s’ils allaient continuer à s’aimer, jusqu’au jour ou un petit tas de cellules de la grosseur d’une noix s’était interposé entre eux, comme une femme ténébreuse et rapace.
    Mary lui avait dit:  » C’est ton fils. « 
    C’était la vérité. Ils semblaient tellement faits l’un pour l’autre, tellement proches, que les noms étaient absurdes, et les pronoms eux-mêmes presque obscènes. Ils étaient devenus George-et-Fred, combinaison un peu comique, unis tels Don Quichotte et Sancho Pança contre le monde entier. »  Pages 264 et 265
  • « Il rangea le petit paquet dans son veston et s’engagea dans la rue de Walter. Des voitures étaient garées à perte de vue. Cela ressemblait bien à Walter. A quoi bon donner une simple soirée pour quelques amis, quand on peut en faire un rassemblement de masse ? Wally appelait cela le Principe de la Poussée du Plaisir. Un jour, proclamait-il, il allait faire breveter l’idée et publier un manuel exposant le mode d’emploi. En soi, le principe était fort simple: il suffit de réunir un nombre suffisant de gens pour être contraint de s’amuser-pour y être poussé. En écoutant un jour Wally exposer sa théorie dans un bar, il avait mentionné les lynchages collectifs effectués par une foule hystérique. »  Pages 266 et 267
  • « Il était entré par la cuisine, qui était tellement pleine de monde qu’on pouvait à peine passer. Il n’était que huit heures et demie: l’Effet de Marée avait à peine commencé. L’Effet de Marée était un autre aspect de la théorie de Walter: au fur et à mesure que la soirée s’avançait, affirmait-il, les invités migraient peu à peu vers les quatre coins de la maison. « Le centre ne tient pas », disait Wally en hochant sentencieusement la tête. « Comme l’a écrit T. S. Eliot. » Une fois, il aurait même vu un type errer dans le grenier dix-huit heures après la fin d’une de ses soirées. »  Page 269
  • « Carrément effrayée maintenant, Mary demanda: « qu’est-ce que tu as pris, Bart ?
    – De la mescaline.
    – O mon Dieu, Bart ! De la drogue ? Mais pourquoi ?
    – Pourquoi pas ? » rétorqua-t-il, pas pour faire le malin, mais parce que c’était la seule réponse qui lui f˚t venue. Les mots défilèrent de nouveau comme des notes de musique, mais cette fois, certaines avaient des drapeaux.
    « Veux-tu que je t’emmène chez un médecin ? »
    Il la regarda avec surprise et examina laborieusement la suggestion de Mary pour déterminer si elle avait des connotations cachées: des échos freudiens sentant l’asile de fous. »  Page 279
  • « – Qui ? demanda-t-elle aussitôt. Qui t’a donné cela? Où as-tu eu ça ? » Son visage changeait, devenait encapuchonné et reptilien. Mary en détective de polar bon marché, dirigeant la lumière de la lampe sur les yeux du suspect – alors, McGonigal, qu’est-ce que tu préfères, la méthode douce ou la méthode dure ? – et, pire encore, elle lui rappela avec un frémissement les histoires de H. P. Lovecraft qu’il avait lues enfant, celles du mythe de Cthullu, où des êtres humains parfaitement normaux se transformaient sur ordre des Anciens en des créatures rampantes et aquatiques. Le visage de Mary prit un aspect écailleux, rappelant vaguement une anguille. »  Page 280
  • « Dans un coin de la pièce, un homme était assis sur une chaise à haut dossier, près de la bibliothèque. De fait, un livre était ouvert sur ses genoux. »  Page 282
  • « – Je suis complètement stone. J’ai pris de la mescaline et oh là là ! » Il regarda en direction de la bibliothèque et vit les livres entrer et sortir du mur. Cela ne lui plut pas du tout. On aurait dit les battements d’un coeur gigantesque. Il en avait assez de voir des trucs comme ça. »  Page 283
  • « – Je vous parle. Répondez-moi.
    – Je ne peux pas. J’ignore ce que deviendra votre « âme » si vous vous suicidez. Je sais par contre ce qui arrivera à votre corps. Il pourrira. »
    Alarmé par cette idée, il regarda de nouveau ses doigts. Docilement, ils commencèrent à s’effriter sous son regard, ce qui le fit penser à L’Étrange Cas de M. Valdemar, de Poe. Quelle nuit ! Poe et Lovecraft. A. Gordon Pym est dans l’assistance ? Et Abdul Allhazred, l’Arabe Fou ? Il releva les yeux, un peu troublé, mais pas vraiment intimidé. »  Pages 285 et 286
  • «  » Mais il y a l’‚me, dit-il à voix haute.
    – Et alors ? demanda Drake avec affabilité.
    – Si on tue le cerveau, on tue le corps, dit-il lentement. Et vice versa. Mais que devient l’âme, dans tout cela ? Voilà l’inconnue, pè… M. Drake.
    – Dans le sommeil de la mort, quels rêves ferons-nous ? Hamlet, M. Dawes. »  Page 286
  • « Il monta sur une chaise et s’y hissa à la force des bras. Il y avait longtemps qu’il n’y avait plus mis les pieds, mais, bien que couverte de poussière et de toiles d’araignées, l’unique ampoule de cent watts fonctionnait toujours.
    Il ouvrit au hasard un carton poussiéreux et découvrit, soigneusement rangés, tous ses agendas de la high school et du college. Ces derniers étaient plus épais, plus luxueusement reliés.
    Il commença par feuilleter les agendas de la high school. Des signatures, des dédicaces, des poèmes (Dans les rues, sur les places / Je suis la fille qui a ruiné ton agenda / En y écrivant la tête en bas.  Signé: Connie.) Des photos de professeurs, assis à leur bureau ou immobilisés au milieu d’un geste, devant le tableau noir, arborant de vagues sourires des portraits de camarades de classe dont il se souvenait à peine, accompagnés de leur classement, des institutions dont ils faisaient partie (Conseil de classe, FIA, Société Poe), de leur surnom et d’une petite devise. Il connaissait le sort de certains (l’armée, mort dans un accident de voiture, sous-directeur de banque), mais la plupart avaient disparu dans les brumes d’un avenir impénétrable.
    Dans l’agenda de terminale, il tomba sur un jeune George Barton Dawes au regard rêveur (photographié par le Studio Cressey). Il fut stupéfait de la totale ignorance de l’avenir dont témoignait cet adolescent, et aussi de sa ressemblance frappante avec le fils dont l’homme qu’il était devenu venait ici chercher les traces. Le garçon de la photo n’avait pas encore fabriqué le sperme qui allait devenir la moitié de son fils. Sous le portrait, un texte:
    BARTON G. DAWES
    « le crack »
    (Club des Randonneurs, Société Poe)
    Bay High School
    Bart, le Clown de la Classe, allège notre fardeau !
    Il remit les annuaires pêle-mêle dans le carton et continua à chercher. »  Pages 298 et 299
  • « À dix heures un quart du matin, on sonna à la porte. Il alla ouvrir et vit un homme portant un costume avec cravate sous son pardessus, l’air aimable et un peu mou. Rasé de près et les cheveux soigneusement coupés, il tenait une mince serviette sous le bras. Il crut d’abord que c’était un représentant amenant des échantillons ou des bulletins de souscription – encyclopédies, magazines… produits ménagers au nom accrocheur-et se prépara à le faire entrer, à écouter attentivement son boniment, et peut-être même à lui acheter quelque chose. »  Page 300
  • « – Vous m’avez aidé. Je traversais un moment très difficile.
    – Ces drogues chimiques ont parfois cet effet-là. Pas toujours, mais parfois. L’été dernier, quelques jeunes m’ont amené un de leurs copains qui avait pris de l’acide dans un parc de la ville. Il était terrorisé parce qu’il s’imaginait que les pigeons allaient le dévorer. Une histoire d’épouvante dans le plus pur style du Reader’s Digest ! »  Page 333
  • « Rentré chez lui, il rangea la batterie et les c‚bles dans le placard, à côté de la caisse. Il pensa à ce qui arriverait si jamais la police débarquait chez lui avec un mandat de perquisition. Des armes dans le garage, des explosifs dans le living, et une grosse somme en liquide dans la cuisine. Bart G. Dawes, le desperado révolutionnaire. L’agent secret X-9, à la solde d’un cartel étranger trop monstrueux pour le nommer. Il s’était abonné au Reader’s Digest, qui était plein d’histoires de ce genre, quand ce n’était pas les éternelles croisades contre le tabac, contre la pornographie, contre le crime… C’était toujours plus effrayant quand le prétendu espion était un petit banlieusard anonyme, un homme comme nous. Des agents du KGB à Willmette, ou Des Moines, collant des microfilms dans les livres de la bibliothèque de prêt du drugstore voisin, préparant la révolution dans des cinémas drive-in, mangeant des Big Macs avec une dent creuse contenant du cyanure. »  Page 339
  • « « Un divorce ? Oui, sans doute.
    – Y as-tu réfléchi ? demanda-t-elle avec gravité, plus comédienne que jamais. Vraiment réfléchi ?
    – Oui, j’y ai beaucoup pensé.
    – Moi aussi. Je crois malheureusement que c’est la seule solution qui nous reste. Mais je ne t’en veux pas, Bart. Je ne suis pas ton ennemie, tu sais. »
    Ciel! Elle a d˚ lire ça dans un roman de gare. »  Pages 345 et 346
  • « Steve Ordner était donc lui aussi vulnérable-un colosse aux pieds d’argile, comme dit le proverbe. A qui Steve le faisait-il penser ? Roulements à billes… glaces volées dans le frigo… Herman Wouk, le capitaine Queeg, oui, c’était cela ! Au cinéma, le rôle était interprété par Humphrey Bogart. »  Page 353
  • « Il chargea le Magnum, en suivant attentivement les instructions du livret, après avoir à plusieurs reprises fait fonctionner le mécanisme à vide. »  Page 355
  • « dit fred tu vas tenir le coup jusqu’à l’arrivée des journalistes pas vrai pour sûr dit george les mots les images le ciné la télé la démolition je sais a pour seul intérêt le fait qu’elle est visible mais freddy as-tu remarqué combien tout cela est solitaire partout dans cette ville et dans le monde entier les gens mangent et chient et baisent et grattent leur eczéma tous les trucs sur lesquels ils écrivent des livres quoi tandis que nous devons faire ceci seul »  Page 363